Comme souvent, Richa’s était en proie à de fortes douleurs crâniennes. Rien n’y faisait, il avait beau essayer d’endiguer la montée de ces sensations désagréables mais le succès n’était que peu présent. Allongé sur son canapé, il se tenait la tête, jurant quelques mots comme si tout ça allait lui permettre d’oublier la douleur. Mais non. Elle était toujours présente. Depuis son enfance, il avait régulièrement des phases comme celle-ci. Le temps et un médicament faisaient souvent l’affaire, mais aujourd’hui, le tout était particulièrement puissant. Surtout qu’il avait dû terminer de boucler un dossier pour une future affaire. Le fait de forcer un peu sur lui-même pouvait expliquer ses douleurs bien plus prononcées.

Plusieurs heures dans le noir complet, essayant de trouver le sommeil, toute nuisance sonore écartée. Mais même cette ultime solution n’arrivait pas à bout de ces migraines. Excédé, il venait appeler un chauffeur pour le conduire à l'hôpital. Il voyait un docteur qui le suivait. Arrivé sur place, il était quelque peu déçu d’apprendre que ce dernier était parti, il avait changé d’établissement. Richa’s soufflait quand il était seul dans sa chambre, attendant un médecin pour le prendre en charge. Qui sait, peut-être que ce nouveau allait l’aider à trouver d’autres solutions. Bien installé, il venait s’allonger tout en éteignant à nouveau la lumière, seule façon pour atténuer un tantinet tout ça. Il aurait bien voulu utiliser ce temps à autre chose. Il n’avait déjà pas beaucoup de temps à s’épargner… Mais il entendait Lexie lui faire la morale, lui expliquant que sa santé était bien plus importante que ses projets. C’est d’ailleurs en partie pour elle qu’il était venu ici, il aurait simplement attendu et souffert en silence sinon. Mais la brune réussissait toujours à le faire entendre raison, qu’importe le sujet. Elle avait ce pouvoir sur lui. Richa’s finissait de patientait malgré le maux de tête avant d'entendre la porte s’ouvrir doucement, et que le rayon de lumière vienne lui faire fermer à nouveau ses yeux, agressé par ce flux lumineux. “Bonjour Docteur !” Disait-il.

En poussant la porte de la salle d’examen, je devine que ce patient ne sera pas comme les autres. Il va bousculer ma routine faites de rhinite, de gastro et d’entorse. En soi, rien de bien excitant, ce qui dans le fond n’est pas plus mal. Je ne souhaite pas de carambolage ou d’incendie en pleine centre-ville pour venir pimenter mon quotidien de médecin urgentiste. Cela étant dit, je ne suis pas contre sortir de ma zone de confort après avoir passé des heures à diagnostiquer les mêmes maux.
« Bonjour. Je suis le docteur Kim. »
La pièce est sombre et je referme aussitôt la porte derrière moi sans allumer. J’imagine que la lumière doit l’incommoder. J’observe la fiche qui a été rempli aux admissions avant de relever les yeux vers mon patient. Nous devons avoir à peu près le même âge et après l’avoir observé, je lui demande :
« Est-ce que vous avez pris quelque chose avant de venir monsieur Wayne ? »
Même sans avoir lu sa fiche ou sans l’interroger à ce sujet, je devine qu’il souffre de céphalée, sinon il ne serait pas dans la pénombre.
« Est-ce que vous souffrez d’autre chose en dehors de vos migraines ? »
Je me rapproche de lui, près à l’examiner. Parfois un symptôme peut en cacher un autre et fausser le diagnostic.
« Au fait, pouvez-vous me rappeler votre profession monsieur Wayne ? »

Toujours dans le noir, l’homme s’est allongé, lui permettant d’être un peu plus à l’aise malgré la douleur qui le lançait, l’immobilisant totalement dans ses plans, dans ce qu’il voulait faire à la place de se retrouver ici, dans cette salle. La porte s'entrouvrit, pour venir lui taper sur le système, sa migraine n’était clairement pas encore passée. Le docteur se présentait. Docteur Kim. Richa’s apprécie le fait qu’il ne rallume pas la lumière de suite, la pénombre l’aide, et il ne faisait pas assez sombre pour que le docteur ne puisse pas lire sa fiche de soin.

“Oui, simplement un anti-inflammatoire, mais rien n’y fait… Normalement, en quelques dizaines de minutes, ça passe mais là…” Il grognait une première fois, avant de reprendre. “Là, ça me lance depuis déjà un bon moment…” Il venait se tenir le côté de la tête. Il avait du mal à réfléchir “Pas à ma connaissance… Mais j’avoue ne pas avoir fait de test depuis un petit moment” ajoutait-il. Il n’était pas du genre à passer aux urgences en temps normal. Il était plutôt du type de contenir la douleur et de continuer d’avancer. Elle allait partir tôt au tard. Mais celle-ci ne voulait simplement pas le lâcher, au point qu’il devait se rendre ici. “Je suis…” Il cherchait, s’en se souvenir de ce qu’il était. Désorienté, il ne comprenait pas de suite, avant de reprendre et de se souvenir après ces quelques secondes d’égarement. “Je suis PDG pardon…” Il ne comprenait pas pourquoi il avait hésité. Ce n’était clairement pas normal, lui qui n’avait jamais de soucis de mémoire. Il se remettait au docteur pour la suite, c’était lui le professionnel de santé, à l’inverse de Richa’s qui ne s’y connaissait pour le moins du monde.

Il souffre mais avant de lui donner quoi que ce soit pour le soulager, j’ai besoin de savoir ce qu’il a déjà pris. Après tout, ce serait dommage d’ajouter à son état une surdose médicamenteuse. Il me parle d’un anti-inflammatoire et j’acquiesce d’un mouvement de la tête. Quand je lui demande s’il souffre d’autre chose, il me répond que non avant de m’expliquer qu’il est PDG. Si je ne dis rien lorsqu’il semble avoir du mal à me répondre, je me le note quand même dans un coin de la tête.
« D’une grosse boite ? »
Je n’ai pas besoin d’en connaitre le nom. En réalité peu importe sa taille, ce n’est pas ce qui compte comme on dit. Ça ne change rien au stress et à toutes les maladies professionnelles qui peuvent en découler. D’ailleurs tout en lui parlant, j’enfile une paire de gants pour l’examiner. Il a mal à la tête mais ça ne m’empêche pas de lui passer un examen classique et complet. Je commence par les ganglions lymphatiques, avant de lui demander de suivre mon doigt du regard. Tout en le faisant, je continue de le questionner :
« Vous portez des lunettes ou des lentilles ? »
Les réponses sont importantes même si ce qui m’intéresse est sa capacité à pouvoir le faire. Tout à l’heure il a eu du mal. Est-ce dû à sa migraine ou bien autre chose ? A moins que ça ne soit rien ?

Richa’s essayait de comprendre la douleur, de rester lucide, de rester concentré dans ce qu’il pouvait faire, ou dire. Ce n’était clairement pas son genre d’abandonner, ou de se laisser aller. C’est pour cette raison que d’habitude, il serre les dents et cela passe. Mais pas cette fois. Après avoir eu un peu de mal à répondre à la première question, il venait ensuite réfléchir quand le docteur lui demandait si c’était une grosse boîte. Il venait se tenir à nouveau la tête, la réponse n’arrivant pas de suite, il avait l’impression de n’avoir pas de mémoire, ou du moins, qu’il lui fallait faire un effort colossal pour l’atteindre, pour en tirer l’information qu’il voulait. Ce n’était pas normal, vraiment pas. Il avait cette difficulté à trouver ses mots, qui viennent si facilement d’habitude. “Oui, je suis d’une grande boite… Euh…” Il cherchait avant de trouver, quelques secondes plus tard. “Wayne Common Wealth pardon, j’ai… J’ai du mal à réfléchir…”

Il se tenait d’autant plus la tête alors que le médecin s'apprêtait à l'ausculter. “C’est pas normal, ça arrive de plus en plus souvent, mais jamais aussi fort…”. Il entendait le docteur lui poser la question, mais il n’arrivait pas à y répondre, cela ne faisait tout à coup plus aucun sens dans son esprit. Comme si les deux parties de la phrase n’allaient clairement plus ensemble. Il regardait le docteur en fronçant les sourcils, avec une difficulté accrue à bien le voir. “Oui… Non, non pas du tout, j’en ai pas. Pardon…” Maintenant, c’était un tournis monstre qui suivait, comme si la pièce allait s’envoler, elle tournait fortement, elle allait le faire tomber, le faire basculer. Il devait se tenir un peu plus fortement pour ne pas s’écrouler. Quelque chose n’allait pas, vraiment pas du tout…