Tu n’étais pas revenu ici depuis quelques semaines. Ta salle de boxe est censée être un sanctuaire, un endroit où tu oublies tout pour te concentrer sur les coups, sur le rythme, sur la fatigue qui te libère enfin l’esprit. Et pourtant, même ici, la présence de Giovanni semble flotter autour de toi, dans chaque angle, chaque recoin. Votre rupture suivit de cette révélation, t’ont laissé un goût amer, une lassitude au fond des tripes qui refuse de se dissiper, peu importe combien de fois tu revois la scène du dernier au revoir. Les bandages enroulés autour de tes mains sont serrés, et tu sens la tension dans tes phalanges, cette énergie contenue qui attend d’être libérée. Tes poings te démangent, non pas parce que tu cherches un combat, mais parce que frapper te donne un sentiment de contrôle que tu as trop souvent perdu ces derniers temps. Tu ne comptes plus les fois où tu t’es promis que cette rupture avec Giovanni serait la dernière, celle qui te permettrait de tourner la page, d’arrêter de te faire du mal inutilement. Et pourtant, voilà où tu en es, à tenter de te convaincre que ce cycle infernal est enfin terminé.

Tu lâches un soupir en approchant du sac de frappe, le regard sombre et résolu. Cette fois, tu n’as plus envie de fuir, plus envie de te mentir en disant que tu es passé à autre chose alors que la moindre pensée de Giovanni déclenche une tempête en toi. Tu as conscience que quelque part, une partie de toi refuse de lâcher prise, cette même partie qui te pousse à te rappeler chaque sourire, chaque moment où il te faisait sentir spécial, même si ces instants étaient éclipsés par des périodes de silence, de doutes, de cette relation cachée dans l’ombre. Et ce constat, il te brûle encore plus que tes poings quand tu frappes, sans relâche, sur le sac. Mais le fais-tu par choix ou par habitude ? L’écho de tes coups résonne dans la salle, et tu te concentres sur le bruit, sur la force que tu y mets. Chaque impact te fait du bien, te libère un peu plus de la colère sourde qui se tapit au fond de toi, cette frustration accumulée depuis des années. Giovanni, avec son sourire charmeur et son incapacité à s’afficher avec toi, t’a plongé dans un océan de contradictions. Une part de toi lui en veut terriblement pour ça, pour chaque moment où tu t’es senti comme un secret honteux, un détail de sa vie qu’il n’assumerait jamais complètement. Et à chaque coup que tu portes, tu te souviens de ces disputes, de ces tentatives désespérées pour obtenir quelque chose de lui, une reconnaissance que tu savais pourtant hors de portée.

Ce n’est pas seulement Giovanni que tu te retrouves à affronter aujourd’hui, mais cette version de toi qui, malgré tout, espérait encore. Ce toi qui croyait que, peut-être, il finirait par changer, par t’aimer assez pour surmonter ses propres peurs. L’amertume se mêle à la détermination dans chaque mouvement, chaque frappe plus forte que la précédente. Tu sens la sueur qui commence à perler, la brûlure dans tes bras, mais tu continues, refusant de laisser la moindre pensée douce-amère s’infiltrer. C’est toi que tu cherches à retrouver ici, loin de lui, loin de cette ombre qu’il a laissée dans ta vie. Après un moment, tu t’arrêtes, le souffle court, les poings douloureux mais l’esprit un peu plus léger. Ici, personne ne te regarde avec pitié, personne ne se demande pourquoi tu t’obstines autant à te prouver quelque chose. C’est simplement toi, face à toi-même, dans une lutte qui n’a rien à voir avec lui. Parce qu’au fond, tu sais que ce combat que tu mènes n’est pas contre lui, mais pour toi, pour apprendre à tourner la page, à te rappeler que ta vie ne se limite pas à cette relation compliquée, à cette personne qui te traînait comme une honte. Tu inspires profondément, désireux de retrouver un souffle lent et posé, savourant cet instant de calme que tu te crées autour de toi. Quoi que puisse te dire ta douleur, tu sais, aujourd’hui que tu as besoin de plus, que tu mérites plus, que tu mérites mieux.

Mais alors que tu rouvres tes yeux, ton attention est attirée par cette voix familière. Par ce compliment qui a tout l’air de t’être adressé. Tu arques un sourcil, légèrement surpris par l’apparition de Malone. Tu ne t'attendais pas vraiment à le revoir ici, encore moins avec cet air nonchalant et ce sourire lumineux, comme si la dernière fois que vous vous étiez vus n'avait pas été marquée par un matin de malaise et une confrontation avec Giovanni. Depuis cette nuit-là, tu n'avais pas cherché à le revoir, et lui non plus. C’était sûrement mieux ainsi. Mais voilà, qu’à nouveau, il honore sa présence dans cette salle de boxe, là où tu viens t’entraîner pour te défouler et oublier, après des mois d’absence. Pourtant, tu lui rends son sourire, malgré la méfiance qui se glisse dans ton regard. Malone, c'est ce genre de mec au charme décomplexé, avec une aisance sociale naturelle qui semble couler de source. Un sourire en coin, tu tapes dans ses mains bandées, un check qui se veut cordial. Ce n’est pas que tu gardes une rancœur envers lui pour ce qu’il s’est passé. Tu n’en as d’ailleurs aucune envers lui. Après tout, cette nuit-là, c’était toi qui cherchais à te prouver quelque chose, à oublier Giovanni et à t’autoriser une escapade qui n’était ni réfléchie ni émotionnellement chargée. Mais Giovanni s’était pointé, comme toujours, au mauvais moment. Et rien que d'y penser, tu sens tes muscles se tendre, alors que tu ressers machinalement les poings.

Tu hausses les épaules en le regardant, tentant de chasser ce mélange de frustration et de doute. Une question aux allures simples, mais qui pour toi représente un défi. Comment pourrais tu réellement dire comment tu vas ? Tu n’en as aucune idée. Tu ne trouves ni le temps de te poser pour y réfléchir, ni l’envie. « Ça va. » Tu réponds d’un ton neutre, presque détaché. « Les choses bougent. » Ce sont les seuls mots que tu lâches, assez vagues, mais sûrement assez clairs pour qu’il devine. Malone a toujours eu ce talent pour se glisser là où on ne l'attend pas, pour briser la glace et imposer sa présence de manière si fluide qu’il est difficile de le repousser sans avoir l’air froid ou hostile. Peut-être est-ce d'ailleurs pour ça que Giovanni le tolère malgré tout. Il te propose de devenir ton partenaire d’entraînement, et tu hésites un instant. Tu n’es pas certain de vouloir passer autant de temps avec lui, surtout ici, là où tu viens habituellement pour te vider la tête, pour être seul et personne. Mais en même temps, il y a une certaine logique à accepter. Peut-être qu’après tout, un bon sparring pourrait te permettre de canaliser toute cette tension que tu traînes comme un poids invisible. Et puis, il faut l'avouer, Malone n'est pas qu'un gars charmeur, il sait se défendre, et ça, tu le respectes. « Pourquoi pas. » Tu lui réponds enfin, après quelques secondes de réflexion. Tu t’efforces de garder ton ton léger, détaché. « J’espère que t’as pas perdu de ton endurance depuis la dernière fois. » C'est un défi à peine voilé, une pique légère pour cacher le fait que tu te rappelles très bien cette fameuse nuit, même si tu préfèrerais parfois l’oublier. « Et toi, comment tu vas ? » Tu ignores si tu le demandes par curiosité ou par politesse, mais la question s’impose d’elle-même, ton intérêt piquait par cette envie de découvrir ce que cet échange peut découler.

[ ft. @Malone Harlow-Barrows   ]