Le monde est tombé il y a bien longtemps. La maladie qui a pris ta sœur s’est répandue plus vite que n’importe quelle autre maladie, et elle persiste longtemps après que l'hôte soit mort. Le monstre que tu as tué lorsque tu as fui la ville n’était pas ta sœur. Du moins, ça ne l’était plus. Ils ont dit aux informations que l’armée avait tout sous contrôle, mais quand une balle ne suffit pas à arrêter les spores qui émanent de ces choses lorsqu’elles sont contaminées depuis trop longtemps… l’armée s’est retrouvée en difficultée très vite. Cette chose, c’est du die and retry… Quand certains meurent, on apprend de leurs erreurs et on avance comme ça. Peu à peu. Tu t’es éloigné de la ville, trop dangereuse, certains de ces monstres sont plus forts que d'autres, et les spores sont volatiles. Tu as élu domicile dans une petite maison dont le tour est criblé de pièges fait maison… Tu y vis seul avec un chat, et les piles de bouquins que tu as trouvé lors de tes excursions.

Tu fais pousser ce que tu peux dans le jardin derrière la maison, tu ramasses les conserves lorsque tu en trouves encore… et avec les années, tu es devenu doué pour cuisiner les pigeons. Tu as toujours mal au cœur quand tu en tue un, mais c’est le minimum pour survivre. C’est étrange, tu es seul depuis des années, tu croises parfois d’autres survivants, certains plus dangereux que d’autres, tu as appris à te méfier davantage des humains que des zombies… Tu t’es retrouvé plus d’une fois à défendre ta vie contre des humains, et tu as fini par leur ôter la vie à eux aussi… Bizarrement, tuer des humains qui te veulent du mal ne te dérange pas autant que de tuer des animaux… Tu n’a jamais vraiment apprécié tes pairs. Même avant la chute. Il y a un ruisseau non loin de là où tu as élu domicile… C’est là que tu t’approvisionne en eau, et il est temps d’aller remplir quelques bidons. L’eau courante, c’est l’une des choses qui te manque le plus du vieux monde. Avec les supermarchés et l'électricité bien évidemment. Les bidons dans un grand sac, une arme à feu et une machette à la ceinture, tu couvres ton nez d’un tissu et tu peux enfin sortir.

Tu as les yeux partout, tu ne veux croiser personne, monstre ou humain, l’endroit est plutôt reculé et caché, tu ne croise pas souvent de monde, mais tu restes toujours vigilant, une erreur d'inattention peut-être fatale, même dans ces bois. Il te faut quelques minutes de marche pour arriver au ruisseau, tu remplis un premier bidon avant de remarquer quelque chose qui n’a rien à faire là. Tu t’approches doucement, un humain… Tu n’aimes pas ça. Main sur la machette, tu n'utilises ton arme à feu qu’en dernier recours, le bruit attirant autant des zombies que de potentiels enfoirés.

“Hey??”

Pas de réponse. Tu le touches du bout du pied. Pas de réaction. Tu l’observe un instant, il respire encore mais n’est pas conscient.

“Bah mon gars… Si tu te fais bouffer, c’est ton problème.”

Tu retournes près du ruisseau remplir tes autres bidons, sur le chemin tu penses à ce type… Il est seul… Tu ne lui doit rien…  Quand tu rentres, ton chat te regarde.

“Me dévisage pas comme ça…j’le connais pas ce type! Pourquoi devrais-je l’aider hein?”

L'humanité est tombée, ce n’est pas de ta faute. Très peu de survivants font preuve d’humanité, alors pourquoi toi tu devrais être gentil… le chat miaule doucement. Tu soupires…

“Oui, c’est bon, ça va j’ai compris… Mais si y’a un problème ce sera de ta faute.”  

Demi tour, encore une fois, tu fais plusieurs minutes de marche. Tu inspecte à nouveau la personne inconsciente au sol, il ne semble pas avoir été mordu à première vue. Tu le secoues à nouveau mais rien à faire, il ne se réveille pas. Tu lèves les yeux au ciel… dans quoi est-ce que tu t’embarques? Tu le portes jusqu’à chez toi. Tu le mets dans le lit qui sert habituellement à ton chat, lit que tu n’as pas vraiment changé depuis un moment, n’en voyant pas l’intérêt…. C’était une chambre d’enfant à une époque, maintenant, les deux fenêtres te permettent surtout de voir loin en direction de la ville. Tu retires les affaires, et surtout les armes de la personne que tu viens de récupérer. Tu l’inspecte à nouveau en soulevant son t-shirt, toujours pas de morsures, mais il a des sacré bleus. Tu as quelques produits de soins… Mais hors de question de lui donner de médicament, en revanche, tu peux le bander, ce que tu fais… tu le recouvre d’une couverture, récupère ses affaires et ses armes et tu descends. Tu espères juste qu’il n’a pas respiré de spores… Et que ce n’est pas un psychopathe…. Tu allumes un feu et tu places ton assainisseur d’eau fait maison par dessus. C’est long et chiant, mais mieux vaut ça que de tomber malade, et tu te met à lire un livre. Tu n'as que ça à faire de toute façon.

Courir. Ne pas s'arrêter. Surtout pas. Mes jambes ne pouvaient plus me supporter mais je devais m'éloigner le plus possible de la ville. Comment en était-on arrivé ? Je n'arrivais plus à me souvenir comment c'était avant...Avant cette épidémie qui avait transformé les gens en de créatures affreuses, ou rendant les humains violents. Se battant pour une boîte de conserve. C'était à cause d'eux que le petit groupe dont je faisais partie à la base avait été repéré. Trop bruyants, ils avaient attiré les infectés et on avait dû s'enfuir rapidement. J'avais dû escalader un grillage et j'avais senti une main m'agripper la cheville. Heureusement, je m'étais tellement débattu qu'il avait reçu un coup de pied en plein visage. Pas d'autres choix que de me laisser tomber de l'autre côté, des bleus s'ajoutant à ceux que j'avais déjà. Trainant un peu la patte à cause de la chute quelques secondes avant de courir réellement. Se surpasser. Ma mère m'avais toujours dit ça. Je pensais à elle, tristement. Je m'étais rendu chez mes parents mais il n'y avait aucune trace d'eux. J'espérais qu'ils allaient bien. Je serrai dans ma main le pendentif censé porté chance qu'elle m'avait offerte à mes 18 ans. Pour l'instant, on ne pouvait pas vraiment dire que ça avait fonctionné. La chance d'être encore en vie peut-être mais pour combien de temps ? Cela faisait deux jours que je n'avais pas mangé et l'eau potable avait été rationalisé. Le soleil tapait fortement au-dessus de ma tête, et je passais ma main sur mon front en sueur. Trébuchant sur une pierre, je m'étalai sur le sol. Relève-toi Cain. Ça ne peut pas être la fin. Mon corps refusait de m'obéir, de fournir un seul effort supplémentaire. Il n'y avait plus que le vent léger et le bruit de l'eau.

- De l'eau...

Je me trainais sur quelques centimètres vers le ruisseau mais finissait par abandonner.

Lorsque je me réveillais, ce n'était plus la terre et l'herbe que je sentais sous mes doigts, mais un tissu. Un tissu qui me rappelait la période d'avant. Est-ce que j'avais rêvé ? Mes parents allaient se moquer de moi lorsque je leur raconterai ce que j'avais vu. Je finissais par ouvrir les yeux, constatant que je n'étais pas du tout dans mon studio ni chez mes parents. Je me redressai, grimaçant de douleur. Je soulevai la couverture, remarquant un bandage. Un miaulement attira mon attention. Un chat. Il n'était pas seul. Il y avait un homme assit en train de lire.

- Qu'est ce qui s'est passé... ?

Demandais-je avant de tousser, grimaçant à cause de la répercussion sur mes hématomes. Ma gorge était tellement sèche que je pourrais boire un lac entier.

Ton livre n’était pas le plus intéressant qui soit. Mais il t’occupait le temps que le clochard que tu avais récupéré se réveille. Tu gardais ton arme à feu à la ceinture et ta machette avait été remplacée par une dague. Ne jamais baisser sa garde. Tu continuais d’avancer dans les lignes. Le prochains serait plus intéressant. Celui que tu lisais le plus était un livre de concoctions diverses et variées à l’aide de plantes que tu avais laissé dans la cuisine. Et les plus intéressants finissaient à l'étage dans le meuble de ta chambre. Un bunker renforcé dans lequel tu pourrais rester une semaine sans en sortir si la zone se faisait attaquer. Tu es finalement très vite sorti de tes pages lorsque l’inconnu se réveille. Une main se place automatiquement sur ta dague, prête à dégainer si nécessaire. Tu attrapes la bouteille d’eau à moitié remplie -tu n’allais pas non plus partager trop de ressources avec lui- et tu l’envoie sur le lit.

“À toi de me le dire. Faire une sieste dans les hautes herbes n’est pas franchement recommandé ces temps-ci…”

Entre des créatures assoiffées de sang humain et des humains complètement tarés… mieux vaut vivre caché. Si ça ne tenait qu’à toi, tu t’isolerait davantage encore, sur un îlot. Ce serait bien… tu y as pensé. Mais entreprendre ce genre de voyage comporte de nombreux risques que tu n’es pas certain de vouloir prendre. Tu restes ici du moment que ta cachette tient la route, et si tu dois partir, tu ne le feras que si vraiment il n’y a pas d’autres solutions…  dehors, on ne sait pas sur quoi ou qui on peut tomber… d’ailleurs tu ne sait rien de l’homme en face de toi. Au moins il est bien affaibli, ce sera facile de le tuer si tu dois en venir là.

“Qui es-tu? Et qu’est-ce que tu foutais dans les parages?”

Tu es méfiant, une grande qualité pour survivre ces derniers temps…  

Sur la défensive, l'homme semblait prêt à me mettre en petits morceaux au moindre mouvement suspect. Dire que je n'avais même pas la force de me lever, alors pour l'attaquer, je serai mort bien avant d'avoir tenté un truc. Je ne voulais de toute manière pas m'en prendre à lui. Il y avait déjà eu bien trop de violence toutes ces années. Au moins mon hôte avait la gentillesse de m'envoyer une bouteille d'eau. Pas vraiment très pleine mais c'était mieux que rien. Je le remerciais d'un hochement de tête avant de l'ouvrir et de boire plusieurs gorgées, manquant de peu de m'étouffer au passage. J'essuyais l'eau qui avait coulé sur mon menton recouvert de poussières et de terres. Cela faisait bien longtemps que je n'avais pas pris de douche. Par crainte que l'eau soit vraiment infectée et puisse contaminer par un simple contact. L'époque où quelques filles me disaient que j'étais beau c'était aussi révolu. Maintenant, je devais surtout faire peur.

- Je ne faisais pas de sieste ! Je me suis...évanoui

Rétorquais-je en fronçant légèrement les sourcils. Si je décidai de faire une sieste ça ne serait assurément pas à découvert.

- On m'appelle Nabi.

Ce n'était pas mon vrai nom évidemment. J'avais fini par l'oublier avec le temps ou peut-être que je m'étais cogné fortement la tête à un moment donné. Je me souvenais que de brèves choses d'avant. Alors on m'avait surnommé Nabi, parce que j'avais le tatouage d'un papillon sur l'épaule.

- Le groupe dans lequel j'étais s'est fait attaquer par des infectés et je me suis enfuie...J'ai escaladé un grillage et j'ai continué tout droit jusqu'à m'écrouler...

Racontais-je tout en faisant tourner le pendentif de mon collier entre mes doigts. Une chance de m'en être sorti et que cet homme passait dans le coin.

- Et toi, qui est-tu ?

Okay… Tu te retrouves avec monsieur papillon… Vu sa silhouette et son nom, tu te demandes comment il a fait pour survivre jusque là. La fuite…voilà sa technique de survie… enfin… Sans toi, il serait mort au beau milieu de la forêt… Ce qui aurait été peut-être mieux pour toi. Tu ne sais pas dans quoi tu t’embarques avec ce type… Si tu te met à récupérer tous les gens du coin à deux doigts de passer l’arme à gauche, non seulement tu vas te mettre dans la merde mais en plus, t’es pas la croix rouge. Ta personne compte avant les autres.

“L’abruti qui s’est décidé à être une bonne âme… La faute du chat…”

Oui, si tu n’avais pas écouté le miaulement plaintif de ton chat tu n’y serais pas retourné. Tu soupire, c’est quand même bien idiot ce que tu as fait. Mettre ta maison, et tes rations à risque pour un type que tu ne connais même pas.

“Tu peux m’appeler kang… Et quand tu auras retrouvé tes forces, tiras papillonner ailleurs, je suis pas les restos du coeur.”

Déjà tu lui a donné de l’eau, t’es bien sympas. Tu descends récupérer une vieille conserve de choux de Bruxelles et un réchaud à feu que tu as fabriqué toi-même. Tu détestes les choux de Bruxelles alors ça, tu peux t’en séparer sans trop de regrets. Tu remontes dans la chambre de ton invité.

“Si t'as faim, t’as le droit à ça. Rien d’autre. C’est plein de protéines.”

Même périmés, vaut mieux de la bouffe en conserve que pas de bouffe du tout. S’il n’en veut pas il n’aura qu’à repartir avec rien dans le bide. C’est pas ton problème s’il crève de faim un peu plus loin. T’as été sympas, tu as fait ta bonne action de l’année, maintenant tu veux juste revenir à ton train train quotidien.

Evidemment, cet homme ne m'aurait certainement pas ramassé si quelqu'un d'autre l'avait forcé à le faire. Je devrais remercier donc le chat de m'avoir sauvé la vie quand je le verrai.

- Comment s'appelle t-il ?

Demandais-je. Cela faisait longtemps que je n'avais pas vu d'animaux errer, la plupart avait été mangé malheureusement à défaut de trouver de la nourriture. Je n'y avais jamais touché, c'était impossible pour moi de planter mes dents là-dedans.

- Je ne comptais pas rester si c'est ça qui t'inquiètes

Je sentais que je n'étais pas le bienvenue de toute manière. Une fois que je serai reposé, je m'en irai. Je ne savais pas encore où. Je n'avais pas vraiment d'endroit où aller et il me semblait impossible de retourner à la ville. En continuant vers le Nord, peut-être que je tomberais sur des résistants plus sympathiques que Kang. Ce dernier avait disparu cinq minutes pour revenir avec une boîte de conserve et de quoi la faire chauffer. Il avait beau ronchonner, il m'avais offert à boire et à manger. Je n'étais pas fan des choux de bruxelles mais je n'allai pas faire le difficile.

- Ca me va, merci

Soufflais-je avec un sourire. Alors que je voulais me lever pour aider, une douleur traversa ma cheville et je me laissais retomber sur le matelas. J'avais dû me fouler le cheville en tombant du grillage. C'était bien ma veine.

Comment expliquer que ton chat s’appelle “le chat”? Quand tu l’as trouvé tu n’avais pas prévu de le garder. T’attacher à un autre être vivant impliquait de prendre le risque de souffrir à nouveau. Tu t’étais dit qu’en ne lui donnant pas de nom tu ne développerais pas de sentiment pour lui. Et finalement il a décidé de te suivre… et te voilà avec un animal de compagnie nommé “le chat”. On a vu plus original, et c’est pas maintenant que tu vivais avec lui et que tu tuerais quiconque s’en prenait à lui que tu allais changer ça. Et puis, de toute façon, il n’est pas conscient que son nom manque complètement d’originalité. Lui il profite juste de ta présence et toi aussi. Tu le nourris et de temps en temps il te ramène un piaf ou un lapin.

“Le chat.”

Le matou se retourne vers toi. Il reconnaît bien son nom. En même temps, il est le seul autre vivant avec lequel tu communiques encore. Il est peut-être la dernière barrière et la folie. Nabi t’assure qu’il ne comptait pas rester.

“Tant mieux… je suis pas un hotel.”

Tu lui donnes quand même de quoi manger. Quelque chose qui ne te manquera pas. T’es pas mère Teresa. Il a déjà bien de la chance que tu lui aies sauvé les miches. T’es rarement aussi sympas avec les inconnus. Pas que des vivants, tu en croises tant que ça. Tu le regardes essayer de se relever et retomber. Tu arques un sourcil.

“Après la déshydratation, c’est quoi maintenant?”

C’est quoi ce fragile sur lequel tu es tombé? Comment est-ce qu’il a réussi à survivre dans un monde pareil… et surtout aussi longtemps? A croire que certains ont vraiment plus de chances que d’autres.

Je m'étais demandé une seconde s’il était vraiment sérieux au sujet du nom du chat mais après réflexion, mon "sauveur" ne semblait pas être un homme à faire des blagues. C'était bien ma veine d'avoir été ramassé par l'ermite aigri mais je devais toutefois avouer que sans sa présence je serai peut-être mort à l'heure actuelle par des zombies ou des animaux sauvages.

- On peut dire que ça lui va bien

Et il s'était même retourné en entendant son nom, ce qui voulait dire que quelque part il l'appréciait aussi. C'était le principal. On disait que les chats avaient le pouvoir de détendre les gens mais...ce n'était manifestement qu'une légende. Il était évident que je n'étais pas invité à rester alors je ferai mieux de partir le plus rapidement possible pour ne pas ennuyer mon hôte qui pourrait sans doute regretter de m'avoir aidé et me donner un coup de pelle.

- Pourquoi vous ne m’avez pas laissé là-bas si ma présence est si...insupportable ?

Demandais-je tout de même. Il devait surement ne pas avoir vu d'être humain depuis longtemps vu où se situait sa cachette. Il n'était toutefois pas totalement méchant, me faisant chauffer à manger alors qu'il aurait pu me dire de partir sans me remplir un peu l'estomac. Alors que je ne voulais pas rester sans rien faire, la blessure à ma cheville se réveilla.

- Je crois que je me suis fait mal à la cheville après avoir escaladé le grillage

Il devait surement me prendre pour une petite chose fragile. Mais il ne savait pas ce que j'avais traversé pour survivre malgré tout. Malgré mon état qui me faisait passer pour un maigrichon. Je grimaçai en soulevant ma jambe pour poser mon pied vers moi sur le lit. Ma cheville était déjà bien gonflée, ça allait être embêtant pour marcher. Enfin, en serrant les dents et en cherchant deux branches bien solides je pourrais m'en servir comme béquille. Inutile de penser que Hyunjin allait prendre soin de moi. Ce n'était plus vraiment un acte qui existait depuis longtemps. Le chacun pour soi c'était beaucoup développé.