Mi-juin, Wolf Garden
La famille avant tout, protège-la C’est avec ce dicton que tu as été élevé. Ce dicton que tu as toujours respecté. Ce dicton pour lequel tu t’es toujours battu. Ce n’est pas pour ta famille que tu as ton caractère, ce regard froid et ta carrure, pourtant c’est bien pour elle que tu t’en sers comme menace. Pour la protéger. Pour veiller à ce que personne n’agisse de manière irréfléchie en leur conséquences
car les conséquences, elles, seront réfléchies. Être le grand méchant loup ? Ce n’est pas un problème pour toi si cela assure la sécurité de ta famille.
Dévoué, voilà ce que tu es.
Et lorsqu’on touche à cette famille, cela ne s’arrête jamais à panser les plaies. Tu as toujours veillé aux représailles. Tu étais loin de te douter que la plus grande plaie jamais causée serait due à l’un des tiens. A ce même homme qui t’a répété ce fameux dicton. A ton exemple. Pourtant la vérité est telle qu’il a fallu te rendre à l’évidence que ton père vous avait mis en danger. Manquer de respect à ta mère. Mettre en danger la vie de Blake. Les fondations oscillent, pourtant, tu continues de te battre. De veiller sur les tiens.
Tu n’obéis à aucune limite lorsque tu considères que cela est nécessaire à la protection d’un Rivers. Donc oui, tu as menacé le médecin de Blake. Tu lui a clairement fait comprendre que sa connerie de confidentialité médicale allait faire une exception s’il voulait garder sa vie et toutes ses dents. C’est parce que tu as su te montrer si persuasif qu’il t’appelle aujourd’hui pour t'annoncer une nouvelle qui te fait serrer les dents : Blake n’a pas respecté l’emploi du temps de sa chimiothérapie. Elle n’est pas allée à son rendez-vous. La colère s’empare de toi, soutenue par une vague d’inquiétude persistante. Tu savais que ce genre d’absence se répéterait mais tu ne comprends toujours pas pourquoi ! C’est sûrement cela qui fait vibrer tes nerfs et les rends si vif. Pourquoi ne suit-elle pas assidûment ce qui doit lui sauver la vie ? Elle devrait y être, arriver même trente minutes en avance et attendre son tour. Pour sa santé. Pour sa vie.
Parce qu’elle ne peut pas se laisser faire, elle ne peut pas mourir. Elle n’a pas le droit !Tu déboules comme une furie au Wolf Garden, lâche ta moto sans faire trop attention à ton bijou. Tu as bien l’attention de confronter ta sœur. Tu n’as pas le temps pour le reste. Même pas pour saluer les employés, que tu connais plutôt bien. Même pas pour sourire poliment à la clientèle. Tu ouvres la porte du bureau brutalement.
Tu ne sais pas à quoi tu t’attendais. Peut-être à la voir effondrée sur son bureau, le corps sans vie. Cette pensée s’est insinuée lorsqu’elle t’a parlé de sa maladie. L’image s’est formée dans un cauchemar, devenant concrète. Depuis, elle ne t’a jamais laissée tranquille, elle revient sans cesse. Te hante dès que tu fermes les yeux. Assez pour te couper le souffle lorsque tu es éveillée. Tu ne reprends ton souffle que maintenant. Maintenant que tu la discernes, qu’elle est là sous tes yeux et tout à fait vivante, pâle mais respirante, penchée sur quelques papiers.
Si l'inquiétude cesse de te broyer l’estomac, c’est la colère qui descend aussitôt. Tu n’es pas capable de lui en vouloir pour quoi que ce soit, pas capable d’hausser le ton sur elle. Tu lui dois tellement et tu l’aimes tellement qu’il t'est impossible de soutenir une émotion négative lorsqu’elle est sous tes yeux.
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Qu’est-ce que tu fais là, Blake ? Tu as manqué ton rendez-vous pour-Penché sur elle, les mains sur les hanches, tu t’étrangles autour d’un mot. Comme un enfant avec des problèmes d’élocution. Pourtant, tu n’essaie pas de te reprendre. Tu laisses simplement la phrase se suspendre dans l’air.
Tu ne te forces pas car tu sais que rien ne sortira. Le champ lexical de la maladie, et plus précisément du cancer, ne sort jamais de ta bouche. C’est physique, tu n’y arrives pas. Cette horreur est constamment au-dessus de ta tête, elle tourne en permanence dans tes pensées, t’empêche de dormir mais le dire à voix haute… Ce n’est pas pareil.
Ce serait trop réel. Trop dur. Tu as beau avoir la carrure et l’impassibilité de l’homme sans émotion, tu as beau être l’imperturbable, le sort de Blake te perturbe. La maladie de Blake te fait du mal. Trop de mal.
Bien que tu détestes en parler; -que tu puisses à peine en parler- tu n’as pas le choix que d'en rajouter une couche. Il faut que tu fasses comprendre à ta sœur que cela est important. Qu’il faut impérativement qu’elle y aille.
Qu’une vie sans elle est simplement impensable.-
Tu sais que c’est important alors arrête un peu de faire (tu montres ses divers papiers du doigt sans vraiment savoir ce que c’est)
ce que tu fais là.Si tu essaies de prendre un ton doux et compatissant, tu échoues lamentablement. Ta voix sonne plus comme un grognement mécontent, l’inquiétude en toi qui se faufile jusqu’à tes lèvres et teinte tes cordes vocales.’