Quand l’année arrive à sa fin, Maya a pour habitude, depuis plusieurs années, d’emmener sa classe pour une sortie haute en couleurs. Cette année, elle avait décidé de transporter tout ce beau monde jusqu’à un parc d’attraction avec quelques parents accompagnateurs pour gérer le groupe. Maya possédait quelques enfants sous sa charge et chaque parent avait plusieurs enfants sous sa responsabilité. Cela permettait d’avoir les yeux sur à peu près tout le monde. Pour la pause du midi, tout le monde était censé se rejoindre aux tables de pique-nique pour que tout le monde puisse manger tous ensembles après avoir été séparé pendant de longues heures. Petit à petit, les parents arrivèrent, accompagnés de tous les enfants et commencèrent tranquillement à manger une fois que tout le monde fut compté. Le groupe au complet, chacun croqua à pleine dent dans son sandwich. Pour la plupart, le repas avait été confectionné par les parents. Plusieurs enfants demandèrent assez rapidement à pouvoir aller jouer dans l’herbe à côté, ce que Maya accorda sans soucis.

Au moment de rassembler tout le monde, Maya se rendit compte qu’il manquait un enfant. Après un rapide tour des visages, elle comprit qui était absent. « Quelqu’un a vu Tim ? » Devant la mine déconfite de certains enfants et après avoir réussi à leur tirer les vers du nez, elle découvrit la bêtise. « On … on a vu un manoir, un truc qui fait peur et il a dit qu’il était cap d’y aller … » Maya passa une main devant sa bouche, somma à tout le monde de rester en place et se mit à courir vers une des attractions abandonnées. Elle criait, sur son chemin : « Tim ? Tim ! Où es-tu ? Réponds moi s’il te plaît ! » Plus le temps passait, plus les appels se répétaient et plus Maya était en proie à la panique. Maya avait toujours eu cette frayeur de perdre un enfant, de ne pas être à la hauteur, d’être à l’origine d’un accident tragique. « Tim ! Réponds … » Sa voix suppliante se répétait presque en écho dans le manoir hanté. Au bord du sanglot, elle continuait de l’appeler comme une maman appellerait son fils, pensant l’avoir perdu. « Mon dieu … » souffla-t-elle, pensant à tous les scénarios catastrophes possibles. « Tim ! Tim … Où es-tu … » Elle commençait à sentir les larmes monter. Sa poitrine commençait à se comprimer. Elle commencerait bientôt à manquer de souffle. Faites qu’il ne lui soit rien arrivé de mal …

Tu ne savais pas trop ce que tu allais faire de ta journée de repos. Tu te disais que tu pourrais appeler les copines, mais sans doute qu'elles devaient bosser, surtout en leur demandant à la dernière minute évidemment. Tu aurais pu voir si Aiden avait envie de se dégourdir les jambes mais tu avais aussi abandonnée l'idée. Tu te disais que pour une fois, au lieu de véritablement sociabilisée avec des personnes qui te tiennent à coeur, tu pourrais en profiter seule, et peut être te faire de nouvelles connaissances, en dehors du boulot, parce que c'est toujours par le cabaret ou le soccer que tu te fais des amies en règle générale. Après t'être préparée un bon petit repas de mi-journée, tu avais donc décidée d'aller te promener jusqu'au parc d'attractions. Tu ne savais pas si tu allais en faire beaucoup, seule ce n'est pas ce qu'il y a de mieux, mais au moins, cela te sortirait de chez toi, cela te permettrait de te dégourdir les jambes sans faire un effort trop intense, l'idée était là. Et donc, tu étais là, au parc, il y avait pas mal de monde, des amis, des familles, des enfants, des adultes qui semblaient tous bien profiter des attractions, du parc dans son ensemble et ça te faisait sourire. Tu aimerais parfois revenir à ces moments de presque insouciance, mais tu avais évoluée, grandis pour devenir une femme et même si la vie ne t'a pas fait que des cadeaux, tu aimes la femme que tu es devenue. Il faudrait que tu arrives à t'enlever le carcan que t'es mis sur le dos, celui de t'enfermer dans un cercle vicieux où l'amour refuse de franchir à nouveau les barrières de ton coeur. Mais tu le sais, la porte ne s'ouvre que de l'intérieur, et il n'y a que toi qui puisse agir de la sorte, vraiment que toi. Tu n'es pas là pour ça dans l'immédiat quoiqu'il en soit. Alors que tu passes près d'une attraction qui n'est plus en service depuis un petit moment, sans doute trop vieillissante, mais trop encombrante pour être enlevé, tu entends la voix d'une femme, d'une mère peut être qui semble chercher son fils, son enfant, Tim qui semble être par ici, du moins le pensait-elle puisqu'il ne répondait pas. Tu n'avais pas vu de petit garçon, ou alors, tu n'avais pas vraiment plus attention que ça. Tu n'es pas mère, tu ne sais pas si tu le deviendras un jour vu ton âge, tu ne sais pas si tu aurais vraiment voulu l'être au vu de ta première carrière mais peu importe, cette femme avait besoin d'aide alors tu t'approchais. Tu pourrais lui demander si tout allait bien, mais l'évidence était là. Elle n'allait pas bien, ayant perdu son enfant, du moins, tu le visualisais comme ça.

" Je peux vous aider ? "

Tu proposes ton aide, peut être qu'à plusieurs, vous réussirez à le retrouver. Et puis qui sait, peut être qu'il avait une bêtise et qu'il avait peur d'être confronter à elle. Peut être que si une inconnue l'appelait, ça serait plus simple pour lui.

Plus jeune, Maya avait été dans un parc d’attraction avec ses parents. Elle se souvenait de ce jour comme si c’était hier. Il y avait une foule immense. Ses parents lui avaient offert une place dans l’un des plus grands parcs d’attraction des États-Unis. Le voyage avait duré des heures et elle avait piallié pendant tout le trajet pour savoir quand est-ce qu’ils arrivaient. Il faut dire que le temps est long en voiture quand on a moins de dix ans. Les minutes ressemblent à de longues heures. Et l’excitation est si grande qu’elle est difficile à contenir. Quand ils étaient enfin arrivés, elle avait sauté de joie et souhaitait faire toutes les attractions, même si elle n’avait ni la taille ni l’âge. Sa mère lui avait répété de bien lui tenir la main pour ne pas se perdre. Ce jour-là, il y avait une foule monstrueuse, si bien que lorsqu’une personne les avait bousculé, la petite main de Maya avait glissé de la grande main de sa mère, ses petits doigts fragiles s’échappant sans pouvoir agripper quoi que ce soit. Maya était restée au milieu de la foule en se disant que sa mère allait la retrouver, en vain. Elle avait eu peur, elle avait pleuré, elle avait demandé de l’aide et finalement, elle avait retrouvé ses parents après un long moment d’inquiétude. Elle n’avait pas compris la peur dans les mots de sa mère, ni son angoisse. Elle n’avait retenu que la colère et les larmes, la culpabilité et la tristesse.

Aujourd’hui, Maya comprenait parfaitement ce qu’avait ressenti sa mère et compatissait grandement de sa colère. Elle avait compris cela quand elle était elle-même devenue maman, à vrai dire. Mais en devenant maîtresse, quand on perd un des enfants dont on a la responsabilité, dans un monde comme celui-ci dans lequel elle vit aujourd’hui, Maya sentait la peur se décupler. Une femme s’approcha et lisant la panique dans son regard, proposa son aide. Maya tenta de calmer sa détresse. « Oui … euh, je cherche Tim. Il a disparu près du manoir hanté, d’après ce qu’on m’a dit. » Elle reprit doucement sa respiration avant d’ajouter. « Je suis en sortie scolaire. Ils lui ont lancé le dessus d’aller au manoir, un test pour savoir s’il est assez courageux. Et Tim est un peu téméraire mais, le manoir n’est plus fonctionnel depuis un moment et si quelqu’un rôdait en attendant qu’un enfant s’échappe, je … » Elle avait déjà tous les scénarios catastrophes en tête, se demandant s’il allait bien, s’il était blessé, en vie, perdu, ce qu’il ressentait. « Il faudrait qu’on cherche autour et peut-être dedans mais il ne répond pas d’ici … Peut-être qu’il ne nous entend pas, je ne sais pas. » À ces mots, trouvant du courage avec la présence de la jeune femme, Maya s’approcha de l’entrée du manoir. Elle poussa un profond soupir pour se donner du courage, regarda la femme à ses côtés et entra. « Vous n’auriez pas un flash par hasard ? »

Elle était en panique, et ce n'était pas en cédant à celle-ci qu'elle retrouverait son fils assurément. Mais bon, dans ces moments là, c'est plus facile à dire qu'à faire clairement, même si avec le soccer et le cabaret, tu sais gérer la pression qui peut tomber sur tes épaules dans les pires moments. C'est pour ça que tes deux carrières avaient été des succès, notamment la première, car il y avait de la médiatisation autour, et encore aujourd'hui, il n'était pas rare que l'on te reconnaisse. Tout le monde ne suit pas le football féminin, et tu n'es pas là pour leur rappeler ta gloire passée, surtout dans un moment comme celui-ci. Elle tente de se calmer, elle cherche donc Tim comme tu l'avais compris, il devait être par ici, à priori, pas de certitudes mais c'était déjà ça. Elle te donne plus de détails, qu'elle est en sortie scolaire. Tu ne sais pas si c'est la maitresse ou une mère de famille qui accompagne, mais peu importe, elle semble être seule pour chercher, peut être pour que les autres enfants ne se perdent pas à leur tour même si seule, elle n'est pas très efficace. Et donc forcément, elle se fait un sang d'encre, imaginant les pires scénarios possibles.

" Ce n'est pas la peine de se jouer le scénario du film avant qu'il ne soit tourné d'accord ? Si c'est un défi de gamin et qu'il a entendu votre voix, peut être qu'il se planque dans un coin, et qu'il a peur de la réprimande. Il doit être à l'intérieur, allons-y. "

Elle te demande si tu as un flash, et c'est le cas sur ton téléphone. Alors tu l'actives pour que vous puissiez y voir plus clair à l'intérieur et que donc vous puissiez le retrouver en bonne santé. Pour toi, c'est une question de minutes, en espérant qu'aucun prédateur ne soit venu le récupérer avant. Mais ça, vous ne pouviez pas encore le savoir. Et donc, vous avancez ensemble dans un manège poussiéreux. Tu observes le sol, il y a des traces de pas, à priori ceux de Tim et pas d'autres, donc s'il est encore là, il est venu seul.

" Regardez, des traces de pas, on dirait bien qu'il est par là. Suivons les, je pense que ça nous mènera à lui. "

Tu n'avais pas de doutes là dessus, et tu souriais, mettant une main sur l'épaule de la femme à tes côtés dont tu ignorais tout finalement. Mais tu avais vu sa détresse, tu savais que tu devais l'aider.