Planté dans l’ombre d’une porte secondaire, je pousse sur ma voix pour me faire entendre. - Monsieur Lazzari serait bien avisé de faire profiter la classe de ses compétences plutôt que de mettre sa ruse au service des coups fourrés de Monsieur Sörensen. Ou peut-être est-ce l’inverse. Dans les deux cas, il faut se ressaisir ! En vrai dramaturge, j’use d’emphase et j’insiste sur certains termes. Je baisse la feuille, tout juste imprimée depuis le bureau du secrétariat. - TIM ! Ça fait quoi d’avoir eu une mauvaise influence sur moi ? Tes impressions ? Tu t’en veux un peu ? T’as l’intention de te faire pardonner ou pas ? J’enchaîne les questions en avançant vers mes meilleurs amis. J’expulse un rire joyeux en les serrant l’un après l’autre dans mes bras, sincèrement heureux de les retrouver.

Je me hisse sur l’une des tables et pose entre mes jambes, mon sac à dos. Tout en parlant, j’en tire une grosse boîte de bonbons, un paquet de skittles et un de M&Ms format familial. - Comment ça va, les gars ? La clé du secrétariat, que j’avais, fonctionne toujours. Le mot de passe de l’ordinateur est toujours planqué au même endroit. C’est fou ça, comme certaines choses ne changent jamais, fais-je en relevant le nez, incroyablement fier de constater que cette maxime s’applique aussi à notre petite escouade. Enfin, à un menu détail près. - À part vous, vous êtes encore plus canon qu'avant. Il est où Deavon ? Il s’est perdu en chemin ? Impossible qu’il nous ait oubliés ! Je refuse,ne serait-ce que de l’envisager.

Tout en m’ouvrant une première bière, je prends une pleine inspiration. Même l’odeur n’a pas vraiment changé. Les souvenirs sont imprégnés dans les murs de cette salle de colle. J’y ai passé tellement d’heures que je ne pouvais même pas les compter. Une certaine nostalgie me saisit par surprise. Est-ce que je suis si loin du gamin de 17 ans que j’ai été ? J’espère pas. Dans ma conception du monde, ma jeunesse n’est pas si loin. Elle n’est pas encore terminée. Je tends à Timaël un des bulletins le concernant. - Ionas Dimitriou ! fais-je d’une voix forte et claire, un rire au bord des yeux. - Vous avez cumulé 121 retards sur l’année 2011. Vous comptez vous expliquer sur le sujet ? Je secoue la tête, de façon aussi théâtrale que si je me trouvais sur une scène, et fait claquer ma langue plusieurs fois sur mon palais. J’essaie d’afficher un air réprobateur, même s’il y a de grandes chances que je finisse en fou rire dans les 5 minutes qui viennent. - La seule fois où j’ai réellement entendu le son de la voix de cet élève cette année, c’est lorsqu’il a cru bon rappeler à l’un de ses camarades que… Merde c’est mal imprimé, j’arrive pas à lire ! Quelle frustration. Je relève le nez. - Qu’est-ce que t'avais fait à ta prof de science pour qu'elle juge pertinent de le mentionner ici ?

@Ionas Dimitriou & @Timaël Sörensen & @Deavon Keane

Les 4 mousquetaires. Ce n’est pas qu’un nom, c’est un mode de vie. De vrais inséparables qui malgré des vies quelques fois opposées se ressemblent sur les points essentiels. L’un d’eux ? Se faire remarquer. C’est clairement ce que les 4 garçons avaient toujours recherché pendant leur jeunesse, d’une manière plus ou moins différente et affichée. Disons qu’il y avait les plus excentriques de la bande et les plus rusés. Deavon n’était clairement pas dans la catégorie des plus discrets à cette époque…

Des rires au loin. Le signe évident que les 3 énergumènes sont déjà réunis.

« C’est pas la fois où l’autre idiot jouait avec la grenouille qu’on devait écarteler ? » intervient-il comme s’il n’était absolument pas en retard. L’autre abruti n’avait pas de prénom, impossible de s’en souvenir pour Deavon. Mais pour l’écartèlement (oui, oui, écarteler était le mot juste), ça il s’en souvenait parfaitement. A cette époque, il avait beau avoir certains ressentiments vis-à-vis des humains, les animaux ne faisaient pas partie de la liste des personnes qu’il aimait combattre. Alors ces épreuves de torture animale, à ses yeux, étaient tout simplement un acte de barbarie.  « Et que notre Yoyo national nous a fait un scandale ? »

Deavon plante un large sourire sur ses lèvres, un air aussi innocent que possible pour faire face aux regards rieurs, un brin accusateurs, des 3 autres. « Ca va je suis pas SI en retard que ça… Et pour une fois que c’est moi je vous signale… » Il jette un coup d’œil entendu vers Ionas. Pas besoin d’en dire davantage. « J’ai ramené à boire vous me pardonnez donc je le sais… » Il désigne son sac à dos du doigt et sort l’attirail ramené spécialement pour l’occasion. Si Ionas avait géré les bières, Deavon s’occupait généralement des alcools un peu plus fort. Il dépose les bouteilles sur la table devant lui et des verres à shooter en plastique. Pardon l’écologie mais la vaisselle, très peu pour lui. Il les place en ligne pour indiquer à ses amis de choisir leur arme de bataille et se déplace vers eux pour leur servir l’accolade habituelle.

Il revient vers les bouteilles et s’installe derrière l’un des bureaux, tel un véritable barman.« Bon, alors, on commence par quoi ? Un shot pour les retrouvailles ? Perso j'en ai bien besoin ! » propose-t-il tout en ouvrant une bouteille de tequila, un rituel qu'il maîtrise à la perfection. D'un geste rapide, il dévisse le bouchon et fait couler le liquide ambré dans les verres. Une bonne définition du bonheur : ses potes, un peu d’alcool, et des conneries à venir.

L’arrivée de Deavon me tire un immense sourire. Ça y est, la famille est au complet. Les festivités peuvent donc commencer. Ensemble, nous redessinons notre histoire. Les souvenirs volent et nous enveloppent. Nos rires regorgent de complicité. Leurs mélodies se propagent et résonnent dans toute la salle, savamment accompagnées par un des morceaux favoris de l’adolescent que j’ai été. Il ne m’en faut pas plus pour être heureux.

Du haut de mon perchoir, je sirote ma bière en regardant Ionas dessiner. - La prof de littérature ? Elle m’avait à la bonne, vous vous rappelez ? En même temps, qui pourrait le lui reprocher ? J’étais vraiment un garçon adorable…. Dès lors que j’en avais envie. L’alignement de shooters me pousse à sauter au sol pour fanfaronner. - C’est moi ou tout le monde a besoin de picoler ? Perso, je vais super bien, mais vous me connaissez. Je ne vais pas vous laisser tomber ! Je me paie le luxe de ricaner avant de finir ma bière d’une traite. Tout le monde ici connaît l’effet de l’alcool sur mon organisme. J’ai tendance à faire encore plus le clown et à trouver la totalité de l’univers vraiment formidable.

Quand les choses sérieuses commencent, je suis dans un très bon mood. Beaucoup trop joyeux pour être prêt à encaisser la bombe lancée par Tim.  « Leaven est réapparue » Je cligne de yeux, la respiration coupée. - Lae… ? Ok, s’il n’a pas envie d’en parler alors n’en parlons pas. Je darde toute mon attention sur mon pote de toujours, désireux de lui signifier mon soutien. Et il me tend mon verre, ce con. Je lui lance un regard qu’il n’aura aucun mal à interpréter. Je veux bien assurer ses arrières. Je le ferais toujours, quoi qu’il arrive ! Mais, là, il me prend légèrement au dépourvu ! Je suis encore sous le choc ! - Bien, bien. Donc, c’est mon tour ? Au cas où quelqu’un se poserait la question, je cherche définitivement à gagner du temps. Prions pour que ça marche. Un petit tour sur moi-même, la main sur ma barbe naissante et l’illumination arrive. - Ma mère a une nouvelle lubie, me concernant. Elle considère que comme je suis mariée à une femme, grazie a Dio , il serait temps que j’enfourne la brioche dans le four. Je me sers d’une expression typiquement française, prononcée dans la langue de Molière, afin de ménager mon petit suspense. - C’est tout juste si elle ne m’a conduit de force à faire un test de fertilité, je vous jure.

J’en rajoute très volontiers. Mieux encore, je me mets en scène avec une facilité déconcertante, les bras tendus façon christ sur sa croix. - Vous croyez que je dois lui dire que la contraception existe ? Ma question s'éteint dans un rire léger. Qu’on soit clair, je n’ai pas DU TOUT l’intention de me reproduire. Être responsable d’un mini humain, très peu pour moi. Je laisse ça aux autres. Fidèle à la tradition, j’avale mon shooter et entreprends de servir le prochain.

- Daevon ! Ton tour. J’espère que tes nouvelles sont super croustillantes parce que je suis affamé. Mon amour pour les potins n’est un secret pour personne. J’ai toujours été une fouine, adorant me lover entre les bras des filles pour les entendre me raconter toutes les histoires des uns et des autres. Quel fascinant petit écosystème que le secondaire. J’attends que le joueur désigné prenne son tour pour couler discrètement une œillade en direction de Tim. J’imagine à quel point le retour de son ex a dû le bousculer. Je cherche, dans un échange de regard, l’assurance du fait qu’il aille bien. Au fond, à mes yeux, c’est tout ce qui compte. De façon assez inconscience, je m'installe à côté de lui, prêt à suivre ses impulsions, par principe autant que par loyauté.

@Ionas Dimitriou @Deavon Keane @Timaël Sörensen

Ionas dessine, Tim ironise et Dante fanfaronne tandis que Deavon lance les hostilités en servant des shooters pour chacun d’eux. La bande est bien au complet et chacun trouve sa place dans la pièce et les discussions. Deavon prend de l’avance, préparant quelques verres en anticipation. Il sait que dans quelques verres, cette précision se transformera en gestes plus hasardeux, mais pour l’instant, il savoure l’instant présent. « Si on pouvait compter le nombre de cours séchés pour chacun de nous, je pense qu’on a obligatoirement cumulé une année entière à nous 4 » Chacun pour des raisons ou des envies différentes, indépendant les uns des autre et bien sûr, parfois, dans un élan commun pour aller profiter autrement de leurs journées. « À nous, les rois des absents ! On a peut-être ruiné nos chances au Prix Nobel, mais on a des souvenirs de folie »

C’est Tim qui ouvre le bal, son visage passant soudainement de l’amusement à une expression plus sérieuse, et sa confidence laisse Deavon sans voix. Ses sourcils restent figés bien au-dessus de ses yeux alors qu’il jette des regards vers Dante et Ionas qui semblent aussi perdus que lui. Ok, Tim n’a pas envie d’en parler pour le moment. Ça se respecte. Mais bordel Leaven. Deavon se redresse, reprenant son rôle de pourvoyeur de boissons. « Tu dis combien de shots t’as besoin, et je te les sers. Un soupir, un shot servi. » Si elle était vraiment de retour, si elle comptait rester, deux options étaient possibles : le pardon d’une part, qui permettrait de retrouver le Tim des années passées, assagi, amoureux... la colère de l’autre, qui les ferait assister à la montée en flammes d’un Tim revanchard, blessé, brisé. Quelle que soit l’issue de cette histoire, ils seraint là pour soutenir leur ami. Heureusement, Dante sent le besoin de détendre l’atmosphère et prend la parole, lançant une histoire fantasque pour alléger la tension.

La vérité de ce dernier est cent fois plus légère. Elle détend aussitôt l’atmosphère. Il lance deux ou trois phrases en français, un charabia incompréhensible aux oreilles de Deavon. Heureusement, la traduction anglaise de Dante est bien plus claire. Un éclat de rire s’échappe de ses lèvres alors qu’il imagine son pote avec une maison familiale, une balançoire et des enfants qui crient tout autour de lui. « Je te vois pourtant tellement bien avec une ribambelle de mini-toi dans les rues de Monterey... » Bien sûr qu’il sait que Dante n’est absolument pas disposer à être père mais l’idée le fait sourire. Et puis au fond de lui, Deavon admire un peu la relation de Dante et Mina même s'il se demande toujours dans quel monde parrallèle son voyage l'a plongé à l'époque pour en revenir marier. « Fais gaffe qu’elle ne débarque pas un jour pour changer la plaquette de pilules de Mina contre du placebo... » Une moue taquine sur le visage, il attrape le verre qui désigne son tour.

Croustillantes ? Ils allaient être servis. Il n’a pas besoin de réfléchir longuement, il sait évidemment ce qu’il doit et va leur raconter. « Bah vous savez déjà que Nevada (Eliana) est revenue... » Il commence, sa voix traînante pour attiser leur curiosité. Il jette un regard significatif aux trois autres, ses yeux s’attardant un instant sur Tim, qui semble vivre une histoire similaire à la sienne : le retour d’un ex perdue (avec un drame bien différent de son côté).Il laisse planer un suspense digne d’un grand dramaturge, savourant le moment. « Voilà » dit-il finalement, haussant les épaules comme s’il n’avait rien de plus à ajouter. Il saisit son shot et le porte à ses lèvres, mais s’arrête juste avant de boire, un grand sourire provocateur se dessinant sur ses lèvres. « J’ai peut-être pas fait que discuter avec elle depuis... » lâche-t-il soudainement. Le sourire sur son visage essaye de minimiser l’importance de sa révélation. « Evidemment qu'elle allait re-craquer pour mon charme légendaire ! » Pourtant, ses amis savent que la vérité est bien plus complexe. Il le dit avec une trop grande simplicité quand on connait la nature de leur relation passé et les difficultés qu’il a eu à s’en remettre.

Assis sur le bureau, ses jambes se balancent dans le vie, signe évidement de sa nervosité grimpante. Il avale d’un trait son shot tandis qu’il attrape celui à destination de Ionas. La deuxième tournée est déjà prête, mais le tour des confidences n’est pas termié.

« Yoyo, à ton tour ? »

HJ:

J'assume avec un grand sourire mes énormes efforts pour conquérir l'appui de notre prof de littérature. Je vais même jusqu'à acquiescer à chaque imitation de mon ami. J'ai totalement fait ce qu'il dit, et en plus, je ne regrette rien. Ensuite, nous évoquons notre capacité à sécher en bande organisée. Le seul à faire semblant d'avoir quelque chose à redire sur ce souvenir s'appelle Ionas. Tim ne manque pas de lui rappeler les fait. « Ah oui ? Étrange…Je me rappelle pourtant que l’on a pas vraiment eu besoin d’insister »  Quant à moi, les yeux rivés sur Ionas, j'enfonce le clou juste après. - Ta bouche disait non, tes yeux disaient oui ! On ne pouvait quand même pas te laisser comme ça, t'allais t'ennuyer ! Dans un grand sourire, je nous offre à tous le beau rôle, préférable à celui de mauvaise influence. Au fond, nous n'étions que des gamins, trop désireux de profiter de leur jeunesse plutôt que de la gâcher à se construire un prétendu avenir alors que nous avions le présent à portée de la main.

Notre traditionnel shot-revealing commence fort. Prendre la suite de mon pote de presque toujours, me conduit à alléger l'ambiance. Et pour ça, je peux compter sur le soutien Deavon. - Moi ? Chef de famille ? Par pitié, non ! Que Dieu m'en préserve ! Je me marre à ses taquineries. Enfin.... Jusqu'à ce qu'il évoque cette histoire de placebo. - Elle ferait pas ça, hein ? Si ? Nooooon ! Ionas reprend la parole pour me soutenir. En moins d'une seconde, je frappe des mains, claque des doigts et pointe mon index dans sa direction. - Voilà, c'est ça qu'on veut, c'est ça qu'on aime ! Je me fonds dans le rôle d'un metteur en scène. - Je t'engage pour aller lui dire. Garde exactement cette tête là ! Ma mère t'adore, tu vas la faire fondre. Je souris largement, absolument convaincu que mon numéro ne trompera personne. Ma mère est un amour. Un amour, farouchement attaché à des valeurs familiales ancestrales, si ce n'est archaïque. Et, même si elle adore chacun de mes amis ici présent, elle n'a jamais hésité à les houspiller, souvent en italien, en leur tirant les oreilles quand, dans le même temps, elle leur servait un immense plat de lasagne. Tout un paradoxe. Très difficile à manœuvrer.

Quand vient son tour, Deavon fait traîner le suspens. Son voilà lui permet d'écoper d'un M&Ms vert, balancé en plein sur son front. - DANS LE MILLE ! T'aurais pu le rattraper avec ta bouche au moins. Raconte ! Elles sont pas fraîches tes infos ! Je le motive en me marrant, la main plongée dans le paquet de bonbons. Les sourcils haussés, je siffle mes félicitations quand il nous annonce un rapprochement avec son ex. Je suis curieux de voir ce que ça donnera. Ils ne se sont clairement pas quittés dans les meilleurs termes mais, malgré les conneries de Deavon, je sais qu'il tenait vraiment à elle. - Et depuis ?

Ionas de son côté, évoque l'accident d'Irini. Les propos de Tim résonnent si juste qu'ils m'imposent le silence pendant au moins quinze bonnes secondes. - Tu veux qu'on organise des tours de garde ? À nous quatre, on peut prendre en charge une surveillance sur deux jours par semaine chacun.... Combien de temps elle mettrait à nous faire dégager le plancher, vous croyez ?  J'affiche un air faussement sérieux en continuant de grignoter des saloperies. Mon hygiène alimentaire est totalement discutable !

La seconde confession de Timaël me fait exploser de rire. Bon sang, s'il n'existait, il faudrait l'inventer. J'enchaîne en descendant de mon perchoir. - Ça dépend, en fait. T'as l'intention de garder contact avec ? Je crois que je tu peux commencer par t'excuser et faire ta gueule d'ange. C'est quitte ou double. Soit, elles fondent. Soit, il devra supporter un sermon bien salé. - T'avais envie de recoucher avec l'une d'elles ou pas ? Je l'interroge, fidèle à ma curiosité légendaire.

Premier shot avalé, j'effectue un tour complet sur moi-même. J'aime à penser que je n'ai aucun secrets pour mes potes. Les seuls, que je leur cache, concernent Mina, alors je ne considère pas vraiment que je suis leur dissimule des choses. Laissez-moi dans ma mauvaise foi. Le déni a de beaux jours devant lui. Bref.... - Franchement les mecs, moi je veux bien picoler et vous raconter des trucs mais.... J'ai plus rien à dire ! Je lâche un rire joyeux, m'enfile le deuxième shot en songeant à ma vie actuelle. Je la trouve absolument merveilleuse. Tour à tour, je les observe. - Vous savez que je vous aime les mecs ? Oh bordel ! Mon sourire fier transpire le début d'ivresse. Je m'attends à ce qu'au moins l'un d'eux me recadre et me rappelle les règles du jeu. - D'accord, d'accord, d'accord ! Je me suis regardé dans le miroir il y a deux jours et j'ai trouvé une ride, bien marqué. Là, juste au coin de l'oeil. Depuis quand elle est là sans que je ne l'ai remarqué ? J'ai pas du tout envie de mettre ma jeunesse derrière moi. Je ne suis pas prêt.

J'apporte à Deavon ses shooters et les aligne devant lui. Dans un geste affectueux, je lui tapote la joue en me marrant. - Je suis certain que t'as d'autres secrets à partager avec tes potes ! Passe à table , Keane !

@Deavon Keane @Ionas Dimitriou @Timaël Sörensen

D'un geste vif et sans hésitation, Deavon verse un nouveau shot pour Tim, le verre débordant presque et effectuant des petites vagues alors qu'il le lui tend. Deavon était prêt à jouer le barman improvisé pour la soirée, avec la bouteille littéralement greffée à sa main, une extension de lui-même à la Inspecteur Gadget des temps modernes. « Et voilà pour toi ! » Ses yeux roulent de surprise à l'évocation de la mama Lazzari, la femme incontournable mais quelques peu redoutable qui hante encore ces souvenirs d'adolescent. « Ta mère m’a toujours fichu la trouille, tu le sais ça ? Adorable, certes, mais en même temps, tellement… terrifiante. Terrifi-able même ! » Il accompagne ses propos d’un hochement de tête. Des souvenirs de soirées passées chez Dante, il en a un paquet. Et dans chacun d'eux, sa mère était aussi charmante qu’implacable, elle ne laissait jamais rien passer lorsqu’il s’écartait du droit chemin qu’elle semblait avoir tracé pour lui. Sa propre mère ne s’en était jamais vraiment souciée, mais il avait toujours pu compter sur les familles de ses amis pour compenser ce manque. S'il faisait le fier à l'époque, il leur en avait toujours été reconnaissants au fond.

Plongé dans ses pensées, il est brutalement ramené à la réalité par un projectile inattendu, un M&M's qui vient heurter son épaule. « Hé, on ne gâche pas la nourriture, oh ! » s’écrie-t-il, feignant l’indignation et la douleur. Son regard passe en revue ses trois compagnons. Evidemment qu'ils ont quelque chose à dire là-dessus. Il pointe Tim du doigt, une lueur malicieuse dans les yeux. « Toi, d'abord, je ne me suis pas "terré dans les chiottes" ! » Il mime des guillemets face à lui, exagérant volontairement le geste pour souligner l’absurdité de la situation. « Et vous, vous me harceliez tellement de messages que j’ai dû éteindre mon téléphone, sinon elle m’aurait pris pour un psychopathe coaché par trois types encore plus dingues que moi ! Je suis sûr que y a plein de films d'horreurs qui commence comme ça... » Il secoue la tête avant de se tourner vers Dante. « Et donc, et donc, et donc... » Il répète ces mots en boucle. « Et donc, celui qui a parié que ça se finirait par une claque… a perdu ! Allez, sortez la monnaie ! » Un sourire victorieux éclaire son visage alors qu'il tend les mains vers ses trois amis, prêt à recevoir de l'argent que bien sûr aucun d'eux n'allait lui donner. Il s'attendait même à recevoir plutôt de nouveaux projectiles alimentaires. « Vous auriez dû avoir foi en mon charme légendaire. Deux minutes de discussion, et hop, dix ans d’oubli ! » Si elle l'entendait, il était foutu. Et puis, la vérité sur la gifle qu'il avait bel et bien reçue attendrait encore quelques shots pour être révélée. « Le hasard peut aller se faire voir, mais je suis d’accord avec Tim : buvons et brûlons… Nouvelle règle tiens ! »

Il hôche la tête et ressert une nouvelle tournée. Ionas se lance à son tour. Petit joueur, pense-t-il au fond de lui. Irini, certes, était un sujet de taille dans la vie de Ionas, mais il s’attendait à quelque chose de plus... épicé. Mais évidemment il suit le mouvement et approuve les propos de ses camarades. « J’ai des gars sur le coup si tu veux... On peut mettre son téléphone sur écoute, poser un tracker sur sa voiture, et même installer des nouveaux voisins en face... T’as juste à demander ! »

La deuxième tournée est lancée, et il accueille la révélation de Tim avec une exclamation joyeuse. « Voilààààà, je savais que je pouvais compter sur toi pour des aventures dignes de ce nom ! » Son rire se mêle à celui de Dante. « Tu mérites une médaille... Non, mieux, une ceinture comme les boxeurs. La ceinture de la doublette meilleures amies ! » L’idée le fait sourire, et il semble un instant vraiment réfléchir à la faisabilité d’un tel trophée. « Quant à vous deux, prenez-en de la graine ! On veut des confessions, pas des histoires sur votre mère et votre sœur… » Ces mots sonnent bien plus étranges une fois sortis de sa bouche que dans ses pensées. Son regard se pose sur Dante et Ionas, l’un après l’autre, son doigt pointé vers eux comme une menace de représailles terrifiantes s’ils ne passaient pas aux aveux. « Allez, balance, Lazzari… » lance-t-il, sans croire un instant à l’idée que Dante puisse rester silencieux. « Parle-nous de tes dernières aventures maritale, dis quelque chose… » Mais Dante, fidèle à lui-même, s’égare dans une tirade sur ses rides. Deavon, exaspéré, se frappe le front d’une main. « On appelle ça la ride de l’abruti… Et je te signale que t’en as pas qu’une... »Ce sourire taquin et fier reprend place sur son visage alors qu'il espère avoir l'approbation de Tim et de Ionas.

Le premier shot avalé, Deavon fait mine de réfléchir, les yeux levés vers le plafond. « Qu’est-ce que j’ai bien pu faire récemment… Ah, si, j’ai couché avec une inspectrice du FBI ! » La fierté innonde son visage, une expression qui ne laisse aucun doute sur la joie qu’il tire de ses exploits, bien plus faciles à partager que ses véritables sentiments. « Plusieurs fois même… Mais pas d’étiquettes hein. De toute façon, je crois qu’elle a des vues sur un de ses supérieurs… Je vais encore me retrouver au milieu d’un truc bancal… Tim, tu vois toutes tes conneries je crois que j'les reproduis aussi... Autrement. » Il grimace en avalant son deuxième shot, s’essuie la bouche d’un revers de main, et repose son verre avec un soupir satisfait, prêt à enchaîner les prochaines tournées. Alors qu’il s’apprête à tendre le baton de parole à Ionas, une nouvelle vague d’énergie le réveille lorsque les premières notes de It's My Life de Bon Jovi envahissent la pièce. Celle-ci, il sait qu'elle vient de lui. Il l'écoutait en boucle ado. Cette chanson des années 2000 a un effet incontrôlable sur Deavon, véritable fan de rock. Il se laisse emporter par la musique, sa tête virevoltant dans tous les sens, ses lèvres mimant les paroles, tandis que ses mains dessinent les contours d’une guitare électrique invisible. Trois shots plus tard et on venait de le perdre.

Mais même au cœur de cet élan, il ne perd pas de vue sa mission. Il jette un coup d’œil à Ionas, le défiant du regard. « Ionas, aux aveux ! »

Un pour tous, et tous pour un
Musketeers
@Timaël Sörensen @Deavon Keane @Ionas Dimitriou

Terrifiable ! Je valide totalement ! J’approuve avec moult hochement de tête, songeant que malgré tout, je suis à peu près certain de lui avoir donné un nombre incalculable de cheveux blancs. Ionas peut bien en profiter pour se faire mousser, dans l’immédiat son super pouvoir d'adoucissant matriarcale m’arrange bien. « Je veux bien plaider ta cause mais qu’est-ce que j’y gagne ? » Pardon ? - Depuis quand ma reconnaissance éternelle ne te suffit plus ? Fais-je en feignant de m’offusquer. - Où est passé ton sens de l’honneur ? De l’héroïsme ? Un pour tous et tous pour un, tu ne PEUX PAS me laisser dans cette horrible situation ! J’en rajoute. Je me donne en spectacle, inventant une scène au milieu de mes potes, tout en sachant pertinemment qu’aucun ne va mordre si facilement à l’hameçon. - Obtiens d'abord mon salut. Si tu remplis ta mission, je saurais me montrer généreux !

Deavon, quant à lui, reçoit pour toute offrande une seconde cacahuète enrobée de chocolat, dans les mains, cette fois-ci.- J’ai pas parié ! Mais je te félicite, t’as vu ! Passons sous silence les raisons pour lesquelles je n’ai pas pu aligner d’argent sur le tapis. Une question de timing face à un Tim beaucoup trop dur en affaires. Nous sommes à deux doigts d’organiser la plus grande opération de protection que Monterey ait jamais connue avant d’entamer un deuxième tour.

Est-ce que je me suis assagi ? Pas vraiment. C’est juste que… La ride de l’idiot ?  - C’est à force de te côtoyer ! Mon visage a subi ta mauvaise influence ! Je peux pas vieillir. Je refuse.Je ricane, non s’en terminer d’une traite mon verre. Loin d’être vexé, j’espère surtout réussir à noyer le poisson, ce soir encore. À une époque, je leur racontais chacune de mes frasques. Parfois, cette simplicité me manque. Aujourd'hui, je me vois mal leur raconter de quelle manière je vis mon mariage. Je pourrais…Si ça n’impliquait que moi ! J’apprends à assumer des responsabilités, moi qui ait pourtant remporté à de nombreuses reprises, nos concours d’immaturité. Les aveux suivants de Deavon, commentés par Tim, me font rire aux éclats.

« Pas besoin d’être deux pour compter les points ! Dante est marié ! Va falloir songer à se mouiller Dimitriou ! »  D’ailleurs, pour preuve, j’agite mon annulaire à la vue de tous. Quoi qu’on en dise, je ne balancerais rien sur Mina. En revanche, je peux largement commenter la situation de Ionas. - Tu sais que ce sont parfois celles qui cachent le mieux leur jeu ? Sans leur passer la bague au doigt, t’as le droit de profiter ! Quel dommage de se priver de telles occasions. À moins qu'elles soient chiantes comme la pluie ?

« Mais si vous voulez du croustillant, Tim’ m’a forcé à faire du car wash pour les pompiers de Monterey, torse nu, et il ne vous a pas convié ! » QUOI ? Le sale enfoiré ! Je pardonne toute délation sous certaines circonstances, notamment quand je m’estime lésé. Je bondis sur mes pieds, ramène mon verre à notre barman préféré et m’insurge dans la foulée. - Mon petit lapin ? Tu m’as vraiment privé de l’occasion de reluquer tes collègues ? Je suis marié. Pas aveugle ! Mon visage s’empresse de traduire avec précision l’expression de la trahison ultime, sur fond de douleur incommensurable. Tandis qu’il nous sort ses explications totalement foireuses, je porte la main à mon cœur. Ma posture est digne des plus grandes tragédiennes antiques. -  Arrête de chercher à détourner l’attention du sujet principal, même si évidemment, on doit VOIR cette vidéo ! Comment t’as pu me faire ça ? Grands yeux bruns mouillés, je mords mon poing en me tournant vers le bar improvisé pour y récupérer mon verre. - Deavon, explique-lui, moi je peux pas ! C'est trop...

Est-ce que j’en rajoute ? Bien sûr que oui ! Dans une volte-facee sublime, je m’exclame : - Dis moi juste une chose, Tim, est-ce qu’IL était là ? IL étant l’un de ses collègues, particulièrement à mon goût, sur lequel j’ai eu un crush mémorable. - Faut qu’on réfléchisse à ta sanction. Tu peux pas t’en tirer impunément comme ça. Je l’affirme en secouant la tête de gauche à droite, avalant une gorgée dans la foulée, histoire de faire passer le goût de la déception.

Deavon pose son regard sur chacun de ces trois énergumènes qui s’en donnent à cœur joie avec leurs histoires farfelues. Un éclat de rire soudain et bref lui échappe quand il entend la remarque de Ionas. Bien sûr qu’ils battent tous les records, ils forment même la plus fine équipe de tout Monterey dans le genre « conneries et aventures loufoques ». Il s’anime, se redresse, et, dans un grand geste théâtral, fait une révérence, comme un acteur qui remercierait son public après un show. « Ah, merci, merci ! Tu reconnais enfin le talent... Le talent pour les emmerdes, oui, mais c’est du grand art ! On devrait viser le Guinness, sérieux. Catégorie mondiale, j’vous dis. »

Ses lèvres forment soudain un o de surprise, ses sourcils se lèvent et dansent sur son front à un rythme effréné. Ses lèvres aussi se réveillent. Une idée vient de le frapper. Littéralement. Une lueur d’excitation s’allume dans ses yeux, alors qu’il s’écarte lentement, très lentement du bureau pour se rapprocher de son frère d’armes, du moins de conneries, Tim. « Mais c’est la meilleure idée de l’année, ce concours ! On vous raconte des histoires, bon d’abord on s’en parle Tim, on se met d’accord... On mélange nos anecdotes... Et vous » Il montre Ionas et Dante du doigt. « Vous, vous pourriez miser pour savoir qui a fait quoi et qui gagne le concours ? » L’alcool fait danser ses idées dans sa tête à toute vitesse, et il se met à décrire un scénario rocambolesque en attrapant Tim par le cou. « Oh on pourrait même faire voter un public.  Oui, un public, dans une salle... Les gens s’arracheront les places pour entendre nos exploits. » Il rit, se rendant compte qu’il part dans tous les sens. « Bref... » Il se calme d’un coup, secouant la tête pour mettre un point final à ce scénario sorti de nulle part.

Perdu dans ses pensées, et surtout dans ce concours stupide mais qu’il pourrait complètement mettre en scène avec l’aide évidente de ses amis et de leurs capacités respectives pour organiser un tel événement, Deavon est soudain interpellé par les mots de Ionas qui explique les rendez-vous que sa mère cherche à lui organiser. Il secoue la tête, prenant une mine sérieuse et faussement désolée. « Si jamais tu veux de l’aide avec tes rendez-vous, je me sacrifie... par amitié… »Il plisse les yeux et jette un regard solennel à sa montre. « Mais bon, moi j'suis tranquille. Ma chère mère ne me cause pas depuis... » Il s’interrompt une seconde pour un calcul savant. « 967 jours. Record de tranquillité ! Au moins je n'ai pas à subir ces envies de petits-enfants ou de mariage comme vous... » Ses amis savent qu'il n'entretient plus de relations avec sa mère depuis le décès de son paternel. Il faut dire que même avant, leur relation était déjà... compliquée. Les histoires de famille.

L’ambiance est parfaite, tous les quatre réunis, chacun dans son rôle, sans aucune ombre au tableau.... « PARDON ?! » Lâche-t-il en recrachant presque la gorgée de bière qu’il vient d’avaler. « Sorensen ! Dimitriou ! Comment avez-vous osé ? » C’est un cri d’indignation, il fixe Ionas puis Tim avec ses grands yeux ronds. Il pointe un doigt accusateur sur chacun d'eux, tour à tour, l’air faussement blessé, la voix grave. « L’an prochain, pff... » Il agite ses mains devant lui, et fait un signe de tête vers Dante qui se lance lui aussi dans une scène digne des plus grands actes de théâtre. « T’as vu ? Voilà ce qui arrive quand on laisse ces deux-là sans surveillance trop longtemps ! Ils finissent par nous priver du plus beau spectacle de la ville. » Dit-il en s’écartant définitivement de Tim pour se rapprocher de Dante. Quelques minutes plus tôt, c’était avec Tim qu’il faisait front. Désormais, c’est aux côtés de Dante. Et dans quelques minutes, la roue aurait encore tourné. Comme d’habitude.

Sans se faire prier, il remplit son verre et celui de Dante de tequilla. Boire pour oublier. « Et en plus, Tim, tu sais bien que j'ai ma petite lieutenant en ligne de mire depuis des mois ! Ce genre de spectacle, c’était un coup parfait pour l'impressionner. Je passe pas des heures à la salle pour vos beaux yeux à vous. » Il appuie sa main sur son cœur, comme blessé, avant de laisser échapper une série de mots avec un sérieux exagéré. « Sacrilège. Tromperie. Damnation. Désespoir. » Il secoue la tête avec un air tragique, avant d’attraper son verre et d’avaler une gorgée pour encaisser le choc. Il pince ses lèvres en une moue approbatrice quand Dante fait lui aussi remarquer qu’il a un certain pompier à impressionner.

« Une sanction, évidemment. C’est la seule solution. Un truc costaud pour rattraper cet affront. » Il fronce les sourcils, comme s’il s’apprêtait à plonger dans une réflexion intense, mais l’alcool brouille un peu ses idées et il s’interrompt, hésitant. « Enfin, bref, je trouverai bien une idée à la hauteur de la situation... Un jour. Peut-être demain. Dante, faut qu’on trouve la punition qu’on leur inflige ! » Il hausse les épaules, rigolant déjà à moitié, avant de lever un doigt pour capter l’attention de ses amis, un sourire diabolique aux lèvres.

« Tiens, bah, je sais, je devrais vous inscrire avec moi au prochain défilé caritatif de Noël de la police ! » Il laisse le suspense planer une seconde, observant les expressions surprises de ses amis. « Oui, oui, vous m’avez bien entendu ! Voilà une idée. Vous allez tous devenir des Magic Mike en puissance, version Père Noël de Monterey, en soutien aux forces de l’ordre et pour une noble cause. Imaginez la scène : costumes qui se dégrafent, lumière tamisée, un peu de… style et surtout, des mouvements bien chorégraphiés. »