Est-ce que ça se voit, qu’il n’a aucune envie d’être là ? A en croire l’incroyable enthousiasme du mec qui lui fait face, il donne visiblement l’illusion parfaite du gars encore intéressé. Pourtant, il a décroché depuis de longues minutes, contraint par un bavardage incessant et inintéressant. Il ne retient qu’un mot sur deux, il peine à rester concentré sur son objectif. Mais c’était quoi, déjà, le but ? Ah oui, rencontrer du monde, sortir un peu et surtout, essayer de trouver un équilibre dans sa vie amoureuse. Est-ce qu’il en a encore envie, quand il voit à quel point il peine à s’intéresser à quelqu’un d’autre ? En réalité, c’est au-delà de ça. C’est dans son discours que son rancard l’a perdu depuis un petit moment déjà. Il est en train d’essayer de lui démontrer les bienfaits d’une pleine et totale assurance. Visiblement, son ami du soir ne comprend pas que l’on puisse vouloir se cacher, éviter les démonstrations publiques, ne pas avoir envie de parler à sa famille de ce secret qui le ronge. Il aurait dû se taire et ne jamais lancer ce sujet, il regrette amèrement de s’être épanché là-dessus à cet instant. Extrêmement mal à l’aise, comme à chaque fois qu’il rencontre un mec nouveau, Ionas cherche à se faire aussi petit que possible sur sa chaise. Il gigote de temps en temps, cherchant probablement une échappatoire qu’il ne trouve pas.

Il pousse un léger soupir en interrompant le fil incessant d’un discours moralisateur et pédant. « Tu m’excuses, je vais aux toilettes. » Il peine à en croire ses yeux quand, Lucien de son prénom, lui fait un clin d’œil discret. « J’ai compris. » Il reste interdit quelques secondes avant de finalement prendre la direction des sanitaires, pas sûr d’avoir bien compris le regard du mec. Peu importe, il soulage rapidement sa vessie et pousse un soupir en jetant un œil à son téléphone après s’être lavé les mains. Il a un message de Qiang qui le fait sourire. Tout à coup, une petite lumière s’éclaire dans son esprit. Il tape rapidement, sans avoir à y réfléchir.

Ionas a écrit:

Tu serais pas dans le coin de Ocean St par hasard ? Je suis au bar Britannia, t’aurais pas envie de venir à mon secours ?

Il lui semble qu’il est plutôt bien avisé d’envoyer ce message parce que la seconde d’après, il voit Lucien pénétrer à son tour dans les toilettes et refermer la porte derrière lui. C’était ça, le fameux clin d’œil donc. Ionas s’écarte, comme pour le laisser passer s’il souhaite lui aussi se soulager mais Lucien l’arrête et l’embrasse, sans crier gare. Ionas le repousse  aussitôt, secouant la tête. « Je crois qu’on ne s’est pas compris. » Il fait demi-tour, rouvre la porte avant de chercher à retrouver sa place, pour récupérer sa veste. Cet abruti a, en plus, laissé leurs affaires sans surveillance, ainsi que leurs verres. Agacé à présent plus qu’énervé, il s’empresse d’attraper son gilet quand il sent une main se poser sur la sienne. « Attends, excuse-moi, j’ai mal interprété les signes mais je croyais que tu en avais envie. On recommence ? » Ionas se mord la lèvre en observant son visage. Il n’en a aucune envie et voudrait bien le lui dire. Le problème ? L’espace d’une seconde, il n’ose pas vraiment le faire. Il ne sait pas réellement pourquoi et ce qui le pousse à se rasseoir. Toujours est-il que sous la table, il envoie un nouveau message à Qiang.

Ionas a écrit:

Je te revaudrais ça Qiang mais je t’en supplie, sors moi de là.

Est-ce qu’il se réinstalle vraiment pour écouter à nouveau ce prétentieux et égocentrique personnage lui parler encore une fois de lui, encore de lui et toujours de lui ? Visiblement, c’est bien ce qu’il est en train de faire.

Assis dans son bureau, Qiang s'ennuyait fermement. Il était puni encore une fois pour avoir agi sans attendre le feu vert alors que le coupable avait été trouvé. Parfois il ne comprenait pas pourquoi la nécessité de toute cette administration alors que c'était évident que cela ne pouvait être que cet individu. Son supérieur l'avait évidemment réprimandé, répétant encore et toujours les mêmes choses avant de l'assigner à l'administratif pendant quelques temps car le jeune homme détestait faire ça et il le savait. Recueillir les plaintes ce n'était pas du tout son délire, écouter les vieilles raconter leur vie encore moins. Certains de ses collègues le plaignaient au début, d'autres pensaient que c'était bien fait pour lui. Qiang n'était pas apprécié par tout le monde et il s'en fichait un peu, cela n'avait jamais été son but tant qu'on le laissait faire son travail. Mais il n'avait pas fait une école de police pour se retrouver derrière un bureau à mettre des trombones pour ranger des dossiers.
Ce temps inutile lui permettait toutefois d'avoir un œil sur son téléphone et d'envoyer des messages, s'assurer que Zoé s'était bien couché à l'heure et que la baby-sitter n'avait pas encore cédé face à la gamine. Elle savait y faire pour amadouer l'étudiante. Le jeune père était beaucoup moins sensible à ce genre de chose, tout comme son père l'avait été avec lui, il était dur mais pas trop pour ne pas non plus que Zoé se sente mal. Qiang s'était ensuite rappelé que l'un de ses amis sortaient rencontrer du monde alors il lui avait envoyé un sms pour l'encourager, même si ça n'y ressemblait pas vraiment. Ionas avait découvert qu'il aimait les hommes il n'y avait pas longtemps et le policier avait été sa première fois. Heureusement que ce dernier n'était pas une brute en ce qui concernait le sexe.

Une réponse de Ionas n'avait pas tardé à venir, et il avait haussé un sourcil. a tous les coups, il était tombé sur un gros lourd. Qiang esquissa un léger sourire, se disant qu'il arrivera bien à se débrouiller comme un grand. Ce n'était pas comme s’il était réellement en danger. Même si cela serait surement plus amusant d'aller le rejoindre que d'être ici. Quelques minutes après, son portable avait à nouveau vibré. Quel dilemme. En fait, il n'y en avait aucun pour que Ionas le supplie de venir. Qiang se leva de son fauteuil et attrapa son arme au cas où avant de se diriger vers la sortie du commissariat.

- Qiang tu vas où ?

- Urgence familiale

Ce n'était pas vrai évidemment mais le jeune homme n'allait pas répondre qu'il allait sortir un ami de la panade. Qiang aussi avait eu son lot de mecs lourds mais il savait les remettre à leur place et il doutait que Ionas soit assez courageux pour le faire. Le policier se dirigea donc vers le bar Britannia qu'il connaissait bien aussi. Il lui avait fallu peu de temps pour apercevoir celui qu'il était venu chercher, assis en face d'un mec qui avait l'air d'adorer s'écouter parler. Le genre d'individu que Qiang détestait, parler pour ne rien dire n'avait jamais été son délire. Le visage impassible il avait marché jusqu'à son ami avant de s'arrêter, sortant sa plaque de police.

- Monsieur Dimitriou ? Veuillez me suivre s'il vous plaît

Il lui avait demandé de l'aider mais pas préciser de quelle façon. Du coin de l'œil il voyait son rencard être soudainement surpris.

- Attendez, qu'est-ce qu'il a fait de mal ?

- Secret professionnel monsieur, sauf si vous souhaitez que je vous emmène aussi pour tentative de corruption ? Non ? C'est bien ce que je pensais.

Revenant sur Ionas, il lui fit un discret sourire avant de le faire se relever de sa chaise et lui laisser récupérer ses affaires.

Il se déteste, il se maudit, il a envie de se terrer bien profondément au fond de la terre. Il ne sait pas ce qui lui a pris de se rasseoir, de continuer à l'écouter, surtout que les tentatives de Lucien se font de plus en plus grossières. Il retente une approche sous la table, à laquelle Ionas ne répond pas, légèrement figé sur son tabouret, il ne sait plus vraiment comment se sortir de là. Est-ce qu'il en train d'écouter ce type uniquement pour ne pas avoir à dire non ? Parce qu'il n'a pas le courage de s'enfuir, ou parce qu'il est désespéré au point d'accorder une chance à n'importe qui. Il n'en sait strictement rien mais il finit par croire que Qiang est trop occupé pour voler à son secours. Il n'a pas répondu à son message pour lui signifier qu'il arrivait. Si bien qu'il envisage une solution de replis. Mais est-ce qu'il a réellement envie de mêler sa soeur à ses déboires amoureux et à son incapacité à avoir simplement un rancard ? Il n'en est pas sûr. La seule autre personne qui sache pour son orientation à ce jour, c'est Timaël, bien qu'il ne lui en ait jamais parlé directement. Autrement dit, personne ne sait et lui, il n'a plus qu'un seul choix: rester là et attendre que ça passe, tout simplement. Mais qu'arrivera-t-il s'il a de nouveau envie d'aller aux chiottes ? Est-ce qu'il va devoir préciser qu'il a réellement besoin de vider sa vessie ?

Il en est là dans ses tortures mentales quand une voix proche, et familière, se fait entendre. -«  Monsieur Dimitriou ? Veuillez me suivre s'il vous plaît » Sur l'instant, l'air sérieux de Qiang et son professionnalisme l'impressionnent tant qu'il en est à se demander s'il n'a pas réellement fait une connerie. Mais non, pas qu'il sache en tout cas. Il se retient de justesse d'afficher un grand sourire à son sauveur. Il est censé paniquer, non ? Lucien semble s'intéresser de près à ce qu'il a fait et la réponse de son ami manque une nouvelle fois de le trahir. Il voudrait lui sauter dessus et l'embrasser, là tout de suite. Il se contente de faire semblant de bredouiller. « Non non, je vous suis. » Son regard faussement terrifié rencontre celui de son rencard qui semble réellement inquiet pour lui. Pour un peu, il culpabiliserait. « Je t'appelle ? » Des fois, il se filerait lui-même des claques si c'était possible, tant sa stupidité lui saute aux yeux. Parce que l'autre semble ravi de la suite de ce programme. Mais il n'a pas l'intention de mettre ce plan à exécution. Il se contente de suivre Qiang sagement, la tête un peu basse.

Quand ils se retrouvent hors du bar, Ionas prend une bouffée d'air salutaire. « Oh bon sang, comment je peux te remercier pour ce que tu viens de faire ? » Il tourne immédiatement un regard soulagé vers son ami. Histoire qu'il n'en doute pas un instant, il vient véritablement de lui sauver la vie. Ce n'était pas un appel à l'aide dans le vent. « Dis-moi que je ne t'ai pas dérangé ? Tu n'as pas vraiment l'intention de m'emmener au poste hein ? » Il s'inquiète quand même aussitôt, parce qu'il déteste l'idée d'avoir avorté les projets qu'il pourrait avoir pour la soirée. Maintenant que Qiang est là, il est tout de suite plus léger. Le jeune homme a été le seul, à ce jour, à briser sa carapace de méfiance à l'égard du monde gay. Il est un repère non négligeable dans cet univers qu'il continue de découvrir tous les jours et qui, par bien des aspects, l'effraie encore. Il n'a pas les bons codes, il s'en rend bien compte. « Tu savais toi, que « je vais aux chiottes », ça veut dire « J'ai envie de me faire sauter ? » Il demande, les yeux légèrement écarquillés. Il se doute bien que ce n'est pas un code universel, c'est pour délivrer un peu de la lourdeur à laquelle il vient finalement d'échapper. Il a besoin de s'éloigner mais pour ça, il a besoin de savoir si Qiang accepterait de l'accompagner pour le reste de la soirée.

Qiang n'aimait pas user de son statut dans sa vie personnelle, il détestait ceux qui le faisait. Mais il n'avait pas eu d'autre idée pour sortir Ionas de son problème de rendez-vous. Soit il se faisait passer pour un ex mais Qiang n'avait pas assez d'émotions en réserves pour jouer ce rôle. Celui en revanche du policier qui venait chercher un suspect, c'était sa vie depuis quelques années maintenant. Il était bien rôdé et puis son visage impassible de base ne risquerait pas de se fissurer. Il espérait que son ami ne gâcherait pas tout non plus en lui faisant un sourire. Ce n'était généralement pas de cette manière qu'un accusé réagissait, à moins d'être bourré. La réaction de son date bien trop curieuse, avait fait réagir durement le policier, simplement pour éviter de compromettre sa mission. Il semblait toutefois inquiet sincèrement pour Ionas. Ce dernier avait dû passer un sale moment pour l'appeler au secours alors que mise à part son défaut de trop parler, l'homme avait l'air honnête. Qiang salua ce dernier d'un hochement de tête tout en conduisant son faux coupable vers la sortie, se retenant de le frapper un peu après avoir entendu ce qu'il venait de dire. 
 
- C'est certains tu as une dette envers moi
 
En vérité Qiang avait agi sans réellement attendre quoique ce soit en retour. Il appréciait suffisamment le jeune homme pour venir l'aider gratuitement. Et puis cela lui avait permis de s'échapper du commissariat dans lequel il tournait en rond. 
 
- Et bien je travaille oui, mais tu ne m'as pas dérangé. Je suis en quelque sorte punie
 
Expliqua-t-il avec un air légèrement rembrunit. Il n'aimait pas faire de l'administratif, c'était un homme de terrain qui préférait l'action malgré ce que l'on pouvait croire en le voyant la première fois. Toujours impeccable, comme un bureaucrate. Une vie toutefois qui l'attendait un jour lorsque son père voudra lui passer le flambeau de l'entreprise. En attendant, Qiang avait le droit de continuer son métier, qui le passionnait bien plus que de diriger une société.
 
- Euh...Non 
 
Il avait froncé les sourcils, cet homme n'était peut-être pas aussi honnête que ça finalement. Attendant le moindre moment pour sauter sur Ionas. Bien sûr " aller aux toilettes" en soi était bien un code mais il fallait le regard suggestif avec mais quelque chose me disait que ce jeune padawan n'avait pas agi de cette manière avec son rendez-vous.
 
- Du moins, si tu as fait quelque chose qui aurait pu lui faire croire que tu lui plaisais beaucoup et que tu ne pouvais pas attendre de faire ça... Mais c'était peut-être simplement un type qui n'avait pas couché depuis un bail
 
Qiang espérait être assez clair, prendre sous son aile Ionas n'était pas évident pour lui expliquer le monde des gays. C'était autant le bordel que dans celui des hétéros. Sauf qu'ils pouvaient se faire tabasser ou insulter par des personnes stupides. 

«  - C'est certains tu as une dette envers moi » Ionas tourne la tête vers Qiang pour y chercher un sourire lui indiquant que la dette ne sera pas si élevée que ça, ou vite effacée par un processus qu’il ne connait pas encore. Ce pourquoi il demande en lui adressant un sourire timide. « Tu as une idée de la manière dont je peux te remercier ? Je t’invite à manger un bout ? » Il lui suggère, même si l’argent lui fait défaut la plupart du temps, il peut bien faire ça pour Qiang, tant que ce dernier n’exige pas qu’ils aillent dans un restaurant hyper chic et gastronomique. La curiosité le cueille quand son ami lui avoue être en train de travailler. Mais qu’il n’est pas vraiment ravi de cet état de fait. « Puni ? » Ca vaut bien une petite explication supplémentaire sur la question, non ? Parce qu’il ne voit pas bien comment on pourrait punir un flic. Ou plutôt, il en a une vague idée mais la question serait plutôt de savoir ce qu’a fait le flic en question pour se retrouver dans cette position inconfortable. « On t’a mis aux archives et tu dois trier les dossiers par ordre alphabétique ? » Il suggère en souriant légèrement en coin pour détendre l’atmosphère ou plutôt, pour se détendre lui-même et évacuer un peu de la pression qu’il a ressenti à cours des dernières minutes. Depuis qu’il assume à peu près son homosexualité et ce qu’elle représente dans sa vie, Ionas n’arrive pas à lâcher prise à son contrôler, durement acquis avec les années. Des années à faire croire, et à se convaincre, quel hétéro il pouvait être. Il est difficile pour lui de se détacher de cette image qu’il a de lui-même depuis toujours. Pourtant, avec Qiang, il y parvient, sans trop s’expliquer comment ou d’où lui vient cette alchimie qu’il ressent à son contact. C’est facile, avec lui, dans un sens. Il est heureux d’avoir trouvé le jeune homme et de pouvoir l’interroger sur tout ce qu’il ne sait pas encore. « Qu’est-ce que tu as fait pour te retrouver dans cette situation ? » Il demande, véritablement curieux mais surtout, sincèrement concerné par Qiang. Une drôle de relation s’est nouée doucement entre eux et progressivement. Le statut d’ami pourrait être légèrement prématuré mais Ionas ressent un réel attachement envers le jeune homme.

Du moins et particulièrement quand il prend la peine de l’aiguiller sur un sujet qui lui pose souci. Comme sa piètre performance de dragueur de ce soir. « - Du moins, si tu as fait quelque chose qui aurait pu lui faire croire que tu lui plaisais beaucoup et que tu ne pouvais pas attendre de faire ça... Mais c'était peut-être simplement un type qui n'avait pas couché depuis un bail » Ionas inspire profondément en observant légèrement les alentours. Est-ce qu’il a envoyé des signaux contradictoires qui aurait pu mettre son rencard sur une fausse piste ? « J’en sais rien, je vois pas à quel moment il a perçu le moindre signe allant dans ce sens. Il ne me plaisait même pas tant que ça. » Il hausse légèrement les épaules en essayant de se débarrasser des sensations qu’il ressent au plus profond de lui. La honte et l’inquiétude qui le poursuivent depuis toujours. « Je suis vraiment un cas désespéré. Je ne peux pas t’appeler à la rescousse à chaque fois que je tombe sur un lourdingue qui ne remarque même pas que je veux rester discret. » Il avoue, honteusement en observant de nouveau l’asiatique qui l’a suivi et l’a sorti de là. « T’as le temps pour manger quelque chose ? Ou juste boire un verre dans un autre bar de préférence ? » Il lui demande. Bon, il vient de lui confier qu’il était en service mais est-ce que ça l’empêche de prendre un peu de bon temps ? « On peut dire que tu fais une filature, un truc comme ça ? » Il plaisante et le taquine pour l’encourager à accepter. Ajouté à cette proposition alléchante un petit sourire en coin particulièrement mignon et une moue à laquelle personne ne saurait résister, Ionas espère convaincre Qiang de venir avec lui ou de simplement répondre positivement à son invitation. « Sauf si on fait une vraie filature ? On se met dans ta voiture en planque pour repérer les bandits ! » Il suggère cette fois, avec l’excitation d’un enfant de cinq ans au matin de noël. Il n’a jamais aspiré à être flic mais il pourrait bien enfiler cette casquette pour un soir, simplement pour s’amuser.  

La proposition de Ionas n'était pas déplaisante. Il savait que ce dernier ne roulait pas sur l'or alors généralement, Qiang s'arrangeait pour payer l'addition avant que l'autre n'ait eu le temps de réagir. Mais si il se sentait redevable, le policier n'allait pas lui enlever cela cette fois-ci.

- Ca peut le faire

C'était de toute façon bien plus agréable que d'être coincé derrière un bureau à faire de la paperasse. Une tâche qu'il identifiait comme une punition. Si certaines personnes adoraient faire ce genre de chose, ce n'était pas son cas. Il n'avait jamais été habitué à rester inactif bien longtemps depuis qu'il était devenu policier. Un contraste lorsqu'il basculait dans sa vie privée, dans laquelle il aspirait plutôt au calme et à la tranquillité, surtout depuis que Zoé vivait avec lui. Elle se remettait doucement de la perte de ses parents et retrouvait donc la joie de vivre. Qiang s'estimait aussi chanceux d'avoir Linh, qui était une mère célibataire de deux enfants. De quoi donner des compagnons de jeux à sa fille adoptive.

- Presque ça...! Non juste ranger les dépositions et au 21ème siècle on en est encore au trombone

Soupira-t-il alors que maintenant tout devrait être informatisé mais dans son commissariat on adorait faire des dossiers papiers. De nos jours, la signature électronique existait, mais non, un style et une main s'était aussi beaucoup mieux.

- J'ai été arrêté un suspect sans attendre que le mandat d'arrêt soit fait

Il ignorait si Ionas s'attendait à quelque chose d'exceptionnelle même si l'homme qu'il avait menotté était accusé de meurtre tout de même. Il était mieux dans une cellule en attendant son procès que dehors. Qiang préférait en général ne pas parler de son boulot pour ne pas mêler les gens à ses enquêtes, cela pouvait aussi lui valoir des représailles de la part de son supérieur car c'était censé être secret. Mais bon, dire qu'on avait arrêté quelqu'un c'était le quotidien d'un flic. Faire semblant que Ionas avait des soucis, c'était facile et ça lui avait permis de l'éloigner de son rencard. Surement frustré de ne pas avoir pu conclure cette journée.

- Pourquoi tu es resté alors si ça il ne te plaisait pas ?

Des dates, Qiang n'en faisait jamais - ceux que son père lui forçait à aller ne comptait pas. Il était plus dans le moment que de préparer un rendez-vous. Tinder n'était même pas sur son téléphone, tout se passait dans un bar ou en boîte de nuit quand il était d'humeur. Bien qu'il y soit moins allé ces derniers temps pour s'occuper plutôt de sa fille.

- Ca ne me dérange pas. Je préfère débarquer et te sauver les fesses d'un lourdingue qui pourrait se transformer en monstre.

Ne souhaitant pas effrayer Ionas plus que nécessaire, il avait opté pour une manière détourner de lui faire comprendre qu'il pouvait croiser plus que des mecs chiants dans sa vie mais aussi bien plus dangereux.

- On peut faire les deux

Avait-il répondu avec un léger sourire. Pas le moins du monde pressé de retourner au commissariat. Il trouvera bien une excuse en revenant.

- Les bandits ne tombent pas du ciel et crois-moi, tu préfèrerais surement ne pas en croiser un

Qiang avisa une petite ruelle qui se situait entre deux maisons, suffisamment large pour qu'ils puissent passer sans problème. Il profita d'être à l'abri des regards pour attirer Ionas dans l'obscurité, posant ses lèvres sur les siennes.

- Faire la moue devrait être interdit chez toi...

Souffla-t-il avec air réprobateur mais pas dit méchamment.

L’intervention de Qiang est une bénédiction, pour lui. Parce qu’il lui permet d’échapper à un type chiant et de retrouver un garçon qu’il affectionne beaucoup. Même si Ionas est le plus âgé des deux, le plus expérimenté reste le jeune asiatique qui lui fait face. Parce qu’il assume sa sexualité depuis bien plus longtemps que lui.  « - Presque ça...! Non juste ranger les dépositions et au 21ème siècle on en est encore au trombone » Le jeune homme grimace, pour lui signifier toute sa compassion sur le sujet. Ranger de la paperasse, ce n’est absolument pas ce qu’il préfère non plus. Un jour, il a eu un boulot dans une bibliothèque, il a cru devenir fou. Premièrement parce qu’on lui interdisait formellement d’écouter la musique. Il paraît que ce genre d’endroit doit rester absolument silencieux. La belle affaire ! Ensuite, parce que ranger des livres ne l’a jamais fait vibrer, absolument jamais. La curiosité pousse Ionas à demander à Qiang ce qu’il a bien pu faire pour mériter un tel sort et finalement, la réponse le fait sourire. « Pourquoi ne pas avoir attendu ? Tu dois être sacrément sûr qu’il est coupable ! » Il ne connaît pas bien le monde des flics mais il se doute que ce genre d’entrave doit se payer assez cher, parce que si le protocole n’est pas respecté, est-ce que ça ne joue pas en la faveur du fameux suspect ? « Tu es consigné aux dépositions jusqu’à quand ? » S’inquiète-t-il naturellement. Connaissant un peu Qiang, il est certain que ce dernier va tourner chèvre en peu de temps, en moins de temps qu’il n’en faut pour dire déposition, à son humble avis. C’est un homme de terrain qui a besoin d’agir et ça se voit. Le laisser à classer des documents est un crime pour cette ville et sa protection.

Quand il finit par se confier sur ses ressentis de la soirée, la question de son ami le surprend légèrement. C’est vrai, pourquoi est-il finalement resté ? Il secoue la tête, un peu bêtement. « Parce que je ne savais pas comment m’en débarrasser, il avait l’air de sincèrement vouloir me connaître. » Trop gentil, trop tendre pour ce monde, on le lui a souvent reproché. Ionas n’aime pas faire de la peine, même si cela doit le conduire à supporter un rendez-vous avec quelqu’un qu’il n’apprécie pas plus que ça. Il sait que c’est bête et la manière dont il baisse légèrement la tête, comme un coupable pris en flagrant délit, en témoigne. « - Ca ne me dérange pas. Je préfère débarquer et te sauver les fesses d'un lourdingue qui pourrait se transformer en monstre. » Un éclair traverse le regard du plus âgé, alerté par la voix grave de Qiang. La panique menace de le submerger pendant quelques secondes. Est-ce qu’en lisant les dépositions, il aurait pu tomber sur la sienne ? Elle date d’octobre dernier mais peut-être qu’elle n’était pas encore tout à fait classée ? La plainte qu’il a déposé contre son ex et qu’il a aussitôt fait annuler. « Je… » Il ne sait pas vraiment quoi dire, il a l’impression de s’être déjà trahi sans avoir rien dit. Il ferait un piètre criminel, à crier « c’est moi ! » alors même qu’il n'est pas soupçonné. « Je sais. » Il finit par compléter, un long frisson glacé lui remonte l’échine sous l’assaut d’un souvenir désagréable.

Il détourne l’attention en suggérant une manière de poursuivre cette soirée quand Qiang le surprend en l’entraînant dans une ruelle. Son dos heurte un mur mais il ne s’en préoccupe pas, la bouche du jeune homme, scellé à la sienne, l’empêche méthodiquement de réfléchir. Aussitôt, il y répond, vient enrouler sa langue autour de sa consoeur pour en chercher la saveur. « - Faire la moue devrait être interdit chez toi... » Un léger sourire en coin, emprunt d’une certaine timidité, lui éclaire les lèvres tandis que ses mains s’attardent sur ses hanches. « Tu veux dire que je te fais craquer ? » Il demande, l’air espiègle en recommençant à faire une petite moue, avec les yeux fondants en supplément. Un baiser tendre sur la courbe de sa mâchoire, il ajoute. « Pourquoi c’est aussi simple avec toi ? » Les choses sont limpides, il ne craint rien avec Qiang, il en a l’impression en tout cas. Il se laisse guider par ses mains expertes et en oublie toute sa maladresse et ses peurs. « On va dans ta voiture, alors ? » Il suggère en souriant, puisqu’il a l’impression que c’est le programme que Qiang a accepté. Ne leur restera plus qu’à prendre quelque chose à emporter quelque part et à profiter de la soirée, non ?
 

Qiang détestait être assigné au commissariat, être entouré de paperasse et devoir faire des archives ou tout simplement accueillir aussi des civils. Il n'avait pas le tact ni la compassion nécessaire pour cela. C'était aussi pour cette raison qu'on le mettait souvent dans un bureau loin, très loin. Ses journées de punitions étaient alors les plus longues à ses yeux et n'avait rien de fantastique. La sensation de ne servir à rien même s'il savait qu'un dossier bien rangé pouvait tout changer dans une affaire. Alors même s'il n'aimait pas faire ça, il l'exécutait avec attention, comme dans tout ce qu'il entreprenait en règle générale. Ionas ne semblait pas non plus être un grand fan de l'administration vu sa tête, ce qui avait fait doucement sourire le policier. Il ne regrettait pas d'avoir agi sans attendre le top départ.

- Oui j'étais sûr mais autant l'arrêter avant qu'il ne puisse pas s'enfuir ou se tuer. Un mandat d'arrêt allait être émis contre lui, j'ai juste fait sans

Expliqua-t-il en haussant les épaules. L'avocat du suspect avait voulu se servir de sa "bêtise" mais il y avait tout de même des preuves accablantes donc au final, sa punition avait été un peu revue à la baisse. Sinon, il aurait surement été mis à pied - surtout que ce n'était pas la première fois qu'il faisait ce genre d'actions. Un jour ça allait lui porter préjudice dans un sens plus malheureux. Mais Qiang avait toujours eu le sens de la justice et ne pouvait pas rester les bras croisés à attendre des papiers.

-  Je n’ai pas eu de date précise, ça sera à l'appréciation de mon supérieur

Expliqua-t-il en soupirant. Ce qui voulait dire que cela pouvait durer autant un mois qu'une semaine. Il espérait toutefois ne pas devoir faire cela éternellement, sinon il allait devenir fou. Ionas l'avait heureusement appelé à l'aise, même si le policier avait un peu de mal à comprendre comment le jeune homme s'était retrouvé dans cette galère, ou plus exactement pourquoi il n'était pas parti si son rendez-vous n'allait pas.

- Tu es vraiment trop gentil, il n'y a pas milles façons de se débarrasser de quelqu'un. Soit juste honnête. Ça fera peut-être du mal à l'autre mais il passera une autre bonne soirée avec quelqu'un

Qiang ne comptait plus le nombre de jeune femme qu'il avait gentiment dégagé, organisé par son père. Ce dernier ne savait pas qu'il aimait les hommes alors forcément. Et puis de toute manière, le policier n'était pas du tout attiré par ce genre de rendez-vous. Il préférait laisser le feeling faire les choses ou le hasard de la vie. Comme avec Ionas même s’il ne ressentait rien envers lui, il s'y était attaché quelque part. Mais son ami devait toutefois faire plus attention et Qiang ne voulait pas vraiment lui faire peur en lui parlant d'harcèlement sexuel.

- Est-ce que ça va ?

Demanda-t-il en voyant la mine terrorisée sur son interlocuteur. Est-ce qu'il avait subi quelque chose ? Qiang ne se souvenait pas avoir vu son nom dans les nombreux dossiers posés sur son bureau. Peut-être qu'il s'imaginait aussi des choses. Afin de lui changer les idées, Qiang les embarqua dans une ruelle à l'abri des regards pour lui voler un baiser - et aussi parce qu'il en avait envie. Levant sa main pour camoufler le visage devant lui.

- A ton avis ?

Sinon il n'aurait pas coucher avec lui.

- Parce qu'on se comprend un peu j'imagine. Tu te cherches et moi et bien, je sais ce que je suis mais je ne peux pas l'exprimer pleinement. Et puis être dans les bras d'un policier doit aussi rajouter une sécurité supplémentaire

Expliqua-t-il, passant sa main dans les cheveux du plus vieux. En les voyant, on pourrait penser que Qiang était le plus âgé vu son assurance.

- Allons-y oui, qu'est-ce que tu veux manger ? On peut s'arrêter commander une pizza ou autre chose

Demanda-t-il en poussant Ionas vers la sortie après avoir vérifié que la voie était libre. Sa voiture n'était pas loin. Heureusement qu’il n’avait pas pris celle affichant "police" dessus. Il avait eu l'intelligence de prendre la sienne.