@Heidi Gusmán-Gore reçoit un colis qui était destiné à @Qiang Lian. Elle se rend à l'adresse apposée sur le paquet et s'occupe de la livraison par elle-même.

La dégaine de ce livreur me parait étrange mais il mâche comme s’il mastiquait du caoutchouc, je l’entends, à l’autre bout de mon allée. Assise sur les marches, à l’avant de ma maison, je suis songeuse. Ace a bien voulu me remplir mes papiers, répondre à certaines questions afin d’attester de ma véritable identité pour que je retrouve cette vie d’avant qui m’a été violemment arrachée du jour au lendemain. De ce fait, je vais donc abandonner l’identité qu’on m’a collée à la peau pendant cinq ans. Une identité qui n’est pas la mienne et qui ne l’a jamais vraiment été. Heidi, une fille qui a existé et qui existe sans doute quelque part dans ce monde ne m’appartient pas, malgré tout ce qu’on a tenté de me faire croire. Pourtant, elle existe bel et bien pour quelqu’un qui compte pour moi. Heidi, c’est moi, pour elle. Et si je décide d’abandonner pour de bon, je l’abandonne elle, plus qu’un nom et ça me fait drôlement flipper. La question la plus pertinente serait celle-ci : Suis-je prête pour ça ? Mais j’ai pas forcément le loisir de peser le pour et le contre de mon dilemme que la voix du jeune homme qui me jette une boite dans les bras m’interpelle :

Signez ça, s’il vous plait !

Confuse, je m’exécute sans pouvoir articuler une seule phrase. Je signe son fichu papier et il s’en va tout en mâchouillant encore son truc dans la bouche. Disparaissant de ma vue, je regarde donc ce colis de plus près. Je n’ai rien commandé puisque j’ai rien à mon nom encore et qu’il m’est impossible de demander à mes frères et sœurs ce genre de passe-droit. Bien que je pourrais, certainement. Et je n’attends rien de quiconque. Peut-être l’un des membres de cette famille ? Je dépose la mystérieuse boîte de carton à l’entrée de la maison, avant d’y revenir et de jeter un œil à l’étiquette. Je trouve étrange que le livreur ne m’ait pas demandé mon identité alors que ça fait des jours, des semaines même, que le monde ne me demande que ça !!! Et là, je découvre que non seulement, personne ne s’appelle Qiang Lian, mais ce n’est ABSOLUMENT pas la bonne adresse. Je soupire. Merde, le mec est parti ! Je fais quoi, maintenant, avec ça ?? Je réfléchis quelques instant avant de crier dans le vestibule, pour que quelqu’un m’entende :

Je vais en ville, ne m'attendez pas.

Ils peuvent souper sans moi, j'ai pas envie de manger, j’ai pas envie de regarder tout le monde rire et se raconter des blagues alors que moi, je suis toujours dans une phase où je cherche encore ma place, et surtout mes souvenirs. Je prends les clés du van gris foncé, celui qui reste dans le garage et qui appartient à César, et décide de parcourir la ville à l’aide du GPS sur mon iPhone, j’arrive rapidement à l’adresse mentionnée. Claquant ainsi la portière du van, je serre le paquet dans mes bras et me dirige vers la demeure où il aurait dû être livré. On ne peut même plus faire confiance à la poste de nos jours, c’est abusé ! J’aurais pu être une personne malintentionnée et garder le trucs pour moi, sans rien dire. Quoi qu’il y ait à l’intérieur… C’est ça, y’a quoi, dedans ? Je me racle la gorge quand la porte s’ouvre sur un jeune homme, je souris

Bonjour… euh… ceci a été livré chez moi, tout à l’heure…

Une fois le colis libéré de mes bras, je lance, sur le ton de la plaisanterie :

D’après moi, le livreur, il avait pas toutes ses facultés si vous voyez ce que j’veux dire ?

Je pince mon pouce et mon index ensemble en les collant à mes lèvres afin d’imiter le geste de fumer. Ok, relax Heidi Luce… C’est quoi cet humour douteux ? Va savoir, va savoir…

Assis sur son canapé, le dos courbé vers sa table basse sur les papiers éparpillés dessus, Qiang essayait de résoudre une affaire qui trainait depuis quelques semaines. Il n'aimait pas lorsque cela prenait trop de temps, notamment lorsqu'il s'agissait de la disparition d'un mineur. Etant donné les éléments ce n'était pas une fugue, première hypothèse que la police avait en premier lieu. Mais l'adolescente disparue n'avait aucun problème avec ses parents au premier regard. Difficile de dire si c'était vrai ou non. Parfois des affaires pouvaient faire surgir des secrets de famille. Qiang attrapa la tasse remplie encore de café et la porta à ses lèvres, grimaçant en constatant que le breuvage était froid. Son téléphone se mit ensuite à vibrer pour indiquer un message. Le jeune homme attrapa son portable et haussa un sourcil en le lisant. " Votre colis a été livré". Il ne se souvenait pas que quelqu'un ait sonné et dans le cas où il n'aurait pas entendu, il y avait Zoé qui était en train de jouer dans sa chambre. La petite adorait décrocher à l'interphone, même si Qiang lui avait dit plusieurs fois de ne pas le faire. Surtout quand elle s'amusait à faire des blagues. Toujours est-il que le colis n'avait pas été livré chez lui manifestement ou bien le livreur l'avait gardé pour lui. Mais qu'est-ce qu'il pourrait bien faire avec un jeu pour enfant ? Ce n'était pas l'anniversaire de Zoé, il était déjà passé mais le psychiatre avait dit qu'il fallait la féliciter et Qiang n'avait pas eu d'autre idée que de lui acheter donc un cadeau. Une sorte de surprise et il savait que sa fille adoptive voulait absolument ce jeu. Tellement, elle lui en parlait depuis des semaines. Cette histoire de fausse livraison le contrariait donc un peu. Il soupira et se leva pour aller chercher son ordinateur afin d'envoyer un mail de réclamation. Il n'aimait pas vraiment faire ce genre de chose, il pouvait aisément en racheter un autre mais c'était surtout que c'était pour Zoé et non pour lui.

L'interphone s'était mis à sonner mais Qiang ne fût pas assez rapide, la petite ayant surgie en courant de sa chambre pour appuyer sur le bouton d'ouverture de la porte de l'immeuble.

- Zoé...

- Tu es occupé avec ton travail

Elle n'avait pas tort mais on n'ouvrait pas à n'importe qui. Qiang lui ordonna donc d'aller s'enfermer dans sa chambre au cas où. Quelques minutes après, la sonnette de la porte de son appartement avait retenti à son tour. Le policier alla donc ouvrir la porte pour tomber sur une jeune femme qui portait un gros carton dans ses bras.

- Bonjour. Oh...C'est donc vous qui avez reçu mon colis. Je ne comprenais pas pourquoi j'avais reçu un sms de certification alors que personne n'était venue.

Qiang récupéra donc le carton, haussant un sourcil face aux paroles de son interlocutrice.

- Visiblement, pour confondre nos deux adresses

Ou alors il avait eu la flemme de venir jusqu'ici.

- Merci de l'avoir apporté. Je peux vous offrir quelque chose à boire pour vous remercier ?

Proposa t-il plus par politesse qu'une réelle nécessité de l'inviter chez lui mais, elle ne semblait pas méchante. Puis elle lui avait tout de même éviter un gros pépin. Pépin qui avait désobéi d'ailleurs.

- Papa c'est qui ? Oh bonjour madame ! Vous êtes très joli

Qiang s'était retenu de se facepalm, se contentant à la place de soupirer.

- Voici Zoé, ma fille. Désolé, elle n'a pas la langue dans sa poche