Ces derniers temps Ayla avait accepté de reprendre quelques gardes aux urgences de l’hôpital de Monterey en plus de ses consultations habituelles dans son cabinet de médecine générale. Ça lui faisait du bien de renouer avec l’adrénaline des urgences tout comme lorsqu’elle intervenait comme médecin auprès des pompiers de la ville. Ça lui rappelait ses missions passées à l’étranger, expérience qu’elle avait beaucoup apprécié malgré la difficulté de la réalité du terrain et les horreurs que les guerres peuvent engendrer. Soigner, sauver les autres c’était encré en elle, quelque chose de viscéral. Plus qu’une passion ou qu’une vocation, c’était presque un besoin vital, inscrit dans son histoire, dans sa personnalité. Et Ayla n’était parfaitement complète que lorsqu’elle pouvait exercer son métier qu’elle chérissait tant et pour lequel elle s’était battue plus jeune, à une époque où elle se retrouvait mère de famille et étudiante. Curieusement, elle a toujours été beaucoup plus à son aise et douée pour prendre soin des autres que d’elle-même ou de sa propre famille. Elle avait également noué des liens forts avec certaines personnes qu’elle avait rencontré lors de missions difficiles, tel que Sebastian qui était devenu un très bon ami. Aussi paradoxal que cela puisse paraître, son travail et ses heures de bénévolat étaient son échappatoire, son exutoire face aux problèmes qu’elle pouvait rencontrer. Particulièrement en ce moment, elle se plongeait corps et âmes dedans et accumulait les gardes aux urgences et auprès des pompiers car c’était plus simple que d’affronter la réalité difficile du cancer de son fils. Ça occupait son esprit et lui évitait de trop réfléchir à ce sujet.

Ce jour-là, ses collègues pompiers avaient transporté aux urgences un père et son fils qui avaient eu un accident en forêt à proximité de la ville. Le père de famille avait vraisemblablement perdu connaissance après une chute dans un chemin de randonné escarpé et le petit garçon était courageusement parti chercher du renfort, d’après ce qu’on avait pu lui transmettre. Le jeune homme, qu’elle reconnut aussitôt comme étant Lloyd Hayes, un écrivain dont elle appréciait particulièrement les romans, présentait de nombreuses ecchymoses sur le corps et de toute évidence une entorse à la cheville, mais heureusement rien de grave d’après les examens d’imagerie. Le choc avait été violent visiblement mais il avait eu de la chance. Il était encore inconscient sous l’effet du choc mais son état était stable. En tant que mère de famille, Ayla ne connaissait que trop bien la peur qu’il puisse arriver quelque chose à ses enfants, elle partit donc examiner le petit après avoir confié la surveillance de Lloyd aux infirmières. Le jeune garçon n’avait pas chuté mais s’était légèrement ouvert le dessus de la main en rejoignant son père. « Tu me montres ça. » Se baissant à sa hauteur, Ayla lui parlait avec douceur et bienveillance, indispensable pour mettre les enfants en confiance dans ce milieu peu rassurant. « Ce n’est pas bien méchant, on va soigner ta main très vite. » Avec un grand sourire, elle lui montra un masque spécial contenant un gaz anesthésiant spécifique pour la prise en charge des soins douloureux. La blessure était plutôt superficielle et la brune ne réalisa qu’un seul petit point de suture pour bien refermer la plaie. Très courageux, le jeune Duncan n’avait rien ressenti et s’était montré très coopérant lors de ses soins. Une infirmière entra dans la pièce pour informer discrètement Ayla que Lloyd se réveillait. La brune fouilla dans les poches de sa blouse blanche et en sortit une sucette qu’elle tendit au jeune garçon. « Tu as été très fort Duncan. Je vais aller voir comment vas ton père, tu m’attends ici d’accord ? » Elle lui offrit un large sourire avant de rejoindre la pièce juste à côté.

Devant elle, Lloyd reprenait ses esprits visiblement un peu perdu de se retrouver ici et ébloui par les lumières criardes des urgences. Le jeune homme s’agitait à mesure qu’il se remémorait ses derniers souvenirs de la journée. « Il va bien, vous avez un petit garçon extraordinaire. Je crois qu’il fait l’unanimité auprès des infirmières. Il vous attend juste à côté. » Elle s’exprimait avec calme, douceur et sérénité pour contraster avec l’inquiétude grandissante du brun. Ayla ne pouvait lui jeter la pierre, elle comprenait très bien l’inquiétude qu’il pouvait ressentir par rapport à son fils. Un sourire doux et rassurant se dessina sur le visage de la médecin pour aider son patient à se détendre. Elle s’attarda quelques instants sur son état pour lui expliquer ce qu’il en était et évaluer également ce dont il se souvenait. « Vous avez fait une chute assez violente dans la forêt d’après les pompiers, vous vous souvenez ? Vous avez plusieurs contusions sur les côtes et une entorse à la cheville, mais aucune fracture par chance. » Devant les grimaces de l’écrivain, Ayla posa délicatement ses mains sur sa tête, examinant les plaies laissées par sa dégringolade dans la pente. « C’est douloureux ? » Dans son malheur il avait eu beaucoup de chance et aurait pu s’en sortir dans un état bien pire que celui-là au vu de la chute impressionnante.