Cette soirée s’avère tout simplement magique. Entre nous, les choses restent les mêmes tout en étant follement différentes. C’est là, à chaque fois que je le regarde en coin durant le repas. Dès lors qu’on se touche, sans même le vouloir. On le distingue dans mon sourire. Avec Ionas, tout coule de source. Les temps morts ne durent jamais longtemps, et même quand ils s’invitent, ils ne sont pas vraiment dérangeants. Notre solide complicité n’a pas été ébranlée le moins du monde par notre dernière soirée passée ensemble. Alors, qu’est-ce qui a changé ? Je crois que je m’autorise surtout à ressentir pleinement les choses. À les vivres sans plus les ignorer. C’est lui, tout entier, que j’ai le droit de découvrir sous une lumière nouvelle.

Et puis c’est tellement agréable de sentir mon cœur s’emballer quand on se retrouve, maladroitement, collé l’un à l’autre devant l’une des portes du planétarium. Je frémis en sentant son approche. Je lui murmure ma réponse, déterminé à ne pas gâcher le délicat équilibre de l’instant. - Plus que jamais. La douceur de son baiser me chavire. J’ai toutes les peines du monde à m’en détacher. - J’ai revêtu mon plus beau maillot de bain pour ça, dis-je d’un trop très solennel, toujours si proche que nos souffles se chevauchent.

Les yeux plongés dans les siens, je laisse temporairement tomber nos plans. J’ai bien trop envie de continuer à l’embrasser. Nous nous devons encore l’un à l’autre des milliers de baisers. Alors que nous nous employons à éponger cette dette colossale, et sans en avoir tout à fait conscience, je m’approche centimètre après centimètre. Nos corps se frôlent agréablement. Attentif au fait de ne pas m’imposer, je m’appuie sur la porte derrière Ionas.

Quelle erreur ! Sous mon poids, celle-ci s’ouvre sans préambule. Déséquilibré, je suis emporté vers l’avant et j’entraîne Ionas dans une chute au ralenti. Je m’emmêle les pieds, cherche à me rattraper en le retenant, bascule en arrière, rentre la tête dans les épaules et termine avec la moitié inférieure du corps étalée sur le sol. Entre deux secousses hilares, j’évacue la pression par un juron italien. Problème ? J’ai réussi à ralentir notre chute en s'accrochant à un levier…. Que j’ai abaissé… Un drôle de ronronnement se fait entendre. - C’est quoi ce bruit ? La sensualité vient de se faire sauvagement assassiner par le ridicule. Est-ce que je le regrette ? Totalement !

@Ionas Dimitriou

- Quoi ? Je n’ai pas le temps de m’interroger plus que ça. Je me retrouve à le suivre, à avancer, à rentrer dans une pièce plus réduite. Voir Ionas prendre les choses en main constitue un spectacle rare, incroyable à observer. Les sourcils bien hauts, j’entre instinctivement dans son jeu. - Ah oui ? J’ai fait ça ? Tu crois qu’il faut que je te présente des excuses en bonne et due forme ? Le sérieux de ma proposition s’efface dans un rire.

Sur le seuil de notre destination, je scrute attentivement l’intérieur du simulateur, dont les murs, tapissés de matelas, rappellent la voie lactée. Prudemment, je mets d’abord ma main à l’intérieur. Aussitôt, une sensation étrange m’engourdit les muscles jusqu’à l’avant-bras. - Dingue. Les traits de mon visage ont facilement perdu dix à vingt ans quand je me tourne vers mon guide nocturne. - T’as déjà rentré dedans ? Il faut y aller d’un coup ou on doit attendre que la gravité soit…. corrigé, ici aussi ? Parce que de ce côté-ci, mes pieds m’ont tout l’air d’être encore solidement accrochés au sol. - Attends, bouge pas. Tel un gamin dans un parc d'attraction, j'ai beaucoup de mal à tenir en place.

Je le laisse se positionner devant le sas intermédiaire. Moi, je recule sans le lâcher des yeux. - Tu me fais confiance, pas vrai ? Enfin, ceci dit, je ne suis même pas sûr de ce que je suis en train de faire. Si ça se trouve, ça ne va pas du tout marcher. Malgré l’espace restreint, je parviens à prendre assez d’élan pour foncer sur lui de toutes mes forces et l’entraîner avec moi. À la dernière seconde, je donne une dernière impulsion pour faire littéralement le grand saut.

Je ne suis plus que surprise en nous sentant décoller. Une main dans la sienne, j’affiche un air émerveillé. Parce que je le suis ! C’est comme descendre d’un coup les montagnes russes. Tous mes organes se sont tassés au fond de mon corps alors que, paradoxalement, je suis aussi léger qu’une plume. - On vole ! Ionas ! On VOLE ! Je pars dans un rire joyeux essayant de me rapprocher de lui. Tout est lent ici. Tout est différent. Un immense sourire se plaque sur mes lèvres. C'est fantastique. Purement incroyable. De ma main libre, j'essaie de capturer sa joue pour un autre baiser.

@Ionas Dimitriou

- Ouai, carrément ! Nager ? Flotter ? Voler ? C’est pareil ou presque ! Je m’émerveille de cette expérience hors norme avec l'exceptionnelle maturité d’un gamin. Tout me paraît incroyable. Une joie débordante m’anime. Les lumières s’éteignent, les étoiles se rallument, et la magie opère. J’en ai le souffle coupé. Lancer une boutade ne me vient même pas à l’esprit. Je me laisse aspirer par la beauté du voyage.

Un drôle de sourire m’agite les lèvres lorsque Ionas capte de nouveau mon attention. L’ambiance feutrée, quasiment secrète, du simulateur joue en sa faveur. Son baiser me fait fermer les yeux. Je le savoure pleinement avant de me plaindre dans un chuchotement. - Celui-là ne compte pas pour rembourser tout ceux qu’on a manqué. J’ai l’impression d’avoir été propulsé à des années-lumière de notre planète. Une simple impulsion contre le mur suffit à me rapprocher de lui. L’élan nous pousse à tourner lentement autour de nous-même, dans une danse éternelle. En prendre conscience me tire un rire. Maladroitement, j'essaie de me rapprocher de lui. Accrocher ses hanches me fournit un appui solide pour le rejoindre, à un rythme très lunaire. - Je crois qu’on vient de quitter la terre. Ici, on a le droit de faire ce qu’on veut, c’est ça ? Tout ce qu’on veut ? Je l’interroge, en haussant les sourcils. - J’ai jamais embrassé personne en étant en apesanteur. Qu’est-ce que tu en dis ? Je l’approche sans me presser, profitant de chaque seconde d’appréhension, laissant les frémissements se répandre dans mon ventre, sur mon dos. Juste avant de changer mes mots en acte, je murmure. - J’adore ce moment. Je trouve encore plus merveilleux de partager ça avec toi…

Mon baiser n’a rien de tremblant ou d’hésitant. Il s’étire dans le temps, il le prend ce temps, déterminé à reprendre tout celui qu’on aurait dû avoir à passer ensemble, et depuis des années. Je recule à peine, glissant une main dans son dos.  - Tu danses avec moi ? Au milieu des étoiles ? J'avais tellement hâte de me retrouver seul avec toi...

@Ionas Dimitriou

Lui, moi, et les étoiles pour témoin. Puisque nous l’avons décidé, rien d’autre n’est autorisé à exister dans notre cocon. « J’ai jamais embrassé personne en ressentant ce que je ressens, Dante. » À ce moment précis, je cesse de respirer. Une drôle d’émotion se coince dans ma poitrine, bouleversant le bordel organisé de mon cœur. - Moi non plus. Je l’avoue dans un murmure, avalé par le sérieux et la douceur de son regard. J’ai tendance à penser que l’affection et l’amour connaissent mille déclinaisons. Aucune relation ne peut être semblable à une autre puisque chacun d’entre nous dispose de sa propre personnalité, de sa propre manière d’aimer. Pourtant, si je suis honnête, je dois bien l’admettre. Ionas a toujours tenu une place à part.

Mes doigts s’impriment un peu plus fort autour de lui, lui confiant finalement ce que je n’arrive pas à dire. Moi non plus, je ne veux pas le lâcher. Moi non plus, je ne veux pas que ça s’arrête. Toutes ses années à ne pas vivre tout ça…. Pour toute réponse, je viens une nouvelle fois chercher ses lèvres. Ce baiser s’étire en longueur tandis que ma main rampe dans son dos pour nous rapprocher. Je m’écarte à peine, juste assez pour caler mon front contre le sien. - Je te veux toi.La réponse manque d’originalité et j’en suis presque désolé, les sourcils arqués haut sur mon front. Elle me paraît bien trop attendue, mais pourtant, elle n’en est pas moins vraie. - Ionas… De la profondeur de ses iris à l’incroyable douceur de ses gestes, tout m’attire chez lui. J’ai envie de l’aimer. Dans un autre baiser, j'ose glisser une main dans son dos, sous ses vêtements. Je pars à la découverte du grain de sa peau sans être bien sûr d’en avoir le droit alors, j’abandonne ses lèvres pour mieux chercher ses yeux. - Normalement, je ne suis pas aussi maladroit, je te jure ! Cette touche fébrile d’humour masque mal à quel point je suis chaviré par la situation. Est-ce que ça ne devrait pas être simple ? Ou est-ce qu’au contraire, je me torture les méninges parce que je n’ai pas envie de commettre un faux pas, une erreur qui lui ferait regretter d’être tout contre moi, de cette façon-là ? - Je suis tenté par le fait de voir ce que ça fait de faire un triple salto arrière dans ces conditions, mais…, je laisse ma voix traîner, plus chaude que d’habitude. - J’ai beau chercher dans toutes les langues que je connais, je n’arrive pas à trouver les mots pour te dire à quel point je me sens bien là. Je me serre contre lui et niche mon nez dans son cou. Sur sa peau, je disperse quelques baisers appuyés, aussi lent et tendre que notre danse éternelle. - J’ai rêvé des milliards de fois qu’on puisse être ensemble, se toucher et s’apprivoiser…. On peut rêver encore un peu, tu penses ?

@Ionas Dimitriou