just wanna ride
the wave

ft. @lola harlow
monterey's beach.

Pour l’énième fois en cette fin d’après-midi, je jette un regard à ma montre. Seulement 47 secondes sont passées depuis la dernière fois que j’ai regardé. C’est pathétique. Je suis pathétique. Je psychote, je m'inquiète. Est-ce que c’est le bon jour ? Est-ce que c’est la bonne plage ? Est-ce que c’est bien l’heure ? Pour la troisième reprise, je vérifie, à nouveau, au cas où les deux précédentes vérifications n’étaient qu'un leurre… Eh, non, toutes les informations sont justes. Il faut dire que depuis que Lola m’en a parlé, je n'ai qu’une hâte ; la revoir. Je comptais les jours qui me séparaient de cette soirée sur la plage. Même les secondes avaient leur importance.

De ce fait, j’ai tout préparé, dans les moindres détails. Minutieux, petit-ami d’une perfectionniste, les choses ne peuvent qu’être parfaites. Jusqu’à la matière de la serviette de plage a été soigneusement choisie par… mes soins. Moi qui ai le don de me prendre la tête pour tout et n’importe quoi, pour la première fois de ma vie, cela s’appliquait à un textile. D’autant plus qu’il fallait qu’elle soit assez grande pour deux. Tout dans le moindre détail a été pensé, réfléchi et analysé. Rien n’est laissé au hasard. Pas même les fleurs qui sont posées dans le coin.

J’ose espérer que je n’ai fait aucun faux pas. Je me suis énormément documenté sur l’après-hospitalisation d’une TCA. Je ne compte plus le nombre de fois que j’ai contacté les professionnels qui s’occupent, au quotidien, de Lola, de son cas, de son bien-être et de son rétablissement. Sans aucun doute, je fais partie de la liste rouge. J’en ai conscience, je l’ai expérimenté, cette phase après hospitalisation et j’ai surtout été confronté à l’incompréhension de mes proches, à cette façon dont ils ont géré, très superficiellement, ce qui m’était arrivé. Personne n’a réellement pris la peine de se documenter. Il est hors-de-questions que je lui fasse subir cette peine, cette douleur.

Si beaucoup m’ont dit de me méfier du caractère de Lola, j’ai rapidement vu à travers cette carapace, cette armure solide mais loin d’être indestructible. Comme tout le monde, bien que beaucoup pensent le contraire – parce qu’ils n’ont pas pris la peine ou le temps de la connaître – elle a ses faiblesses, ses moments de doute. Largement plus sensible qu’elle ne le laisse penser. Je le sais, je m’en rends compte à chaque message, à chaque appel, à chaque échange que nous avons eu pendant son séjour à l’hôpital. Des doutes, des questions, des insécurités qu’elle ne mérite pas de subir.

Mon but, ce soir, c’est de lui faire oublier tout cela. Qu’elle passe un moment normal dans tout ce quotidien franchement triste bien que réparateur sur énormément d’aspects. De ce fait, je me mets une pression énorme, je veux être à la hauteur. Je veux que pendant quelques heures, elle ne pense à rien d’autre, presque qu’elle réussisse à oublier ce qui l’a amené à être à l’hôpital. J’ignore en avoir la capacité, en tout cas, je ferais tout en mon pouvoir.

Et me voilà sur cette plage, en train d’attendre le moment fatidique où je vais revoir son doux visage, pour de vrai, et non pas séparé d’un écran.

just wanna ride
the wave

ft.  @Naveen Kennedy  
monterey's beach.

Jamais Lola n'a été aussi excitée à l'idée de sortir des murs blancs qui entoure son quotidien depuis quelques semaines désormais. Retrouver son petit ami suffit à afficher un sourire et une impatience certaine lorsqu'elle rejoint le groupe. Combien de fois, elle a saoulé avec des Naveen par-là et des mon petit ami par-ci. Ses nouveaux amis ont maintenant l'impression de connaitre le jeune homme comme si il était l'un des résidents de l'hôpital.  Son maillot de déjà enfilé sous sa robe de plage, elle presse tout le monde pour rejoindre le bus.

L'infirmier qui les accompagne a l'air dépité et elle lève les yeux au ciel, agacée et fidèle à elle-même. Si elle a choisi de laisser de côté les concours de Miss, elle n'en reste pas moins une éternelle perfectionniste. Sur le chemin qui la sépare de ses retrouvailles avec le brun, elle écoute un peu de musique et s'intéresse un peu au paysage qui défile. Suivie par de nombreux professionnels pour ses troubles alimentaires, elle a cette impression parfois d'être un sujet de foire. Les rumeurs vont bon train dans ce genre d'endroit et avec le temps, elle a appris à en faire une force plutôt qu'un souffrance. Déterminée à s'en sortir, elle ne laissera rien ni personne la juger. Miss California ne s'avoue pas vaincue. Peu lui importe à quel point le chemin sera long, elle sait que cela vaut le coup. Se battre pour ceux qui ne l'ont pas abandonné et pas pour ceux qui ont préféré la bafouer des milliers de fois.

La douceur mêlée à la fougue, voilà ce dont à quoi ressemble son couple avec le fils Kennedy, complémentaires et fous amoureux. Le premier amour est intense et il s'accroche à lui plus que jamais. Là aucun écran ne les séparera.  Réalisant de plus en plus à quel point, elle a besoin de lui dans sa vie. Tel un phare dans la nuit, il est sa lumière dans les moments de doute. C'est à lui qu'elle pense en se couchant le soir et en se réveillant le matin. Son sourire n'a pas quitté son visage alors qu'elle parcourt leurs dernières conversations par message. Naveen ne fait que la rendre joyeuse à chaque instant. Elle se demande un instant comment il réagira lorsqu'il la verra. Après tout, elle a pris quelques grammes depuis la dernière fois, tout du moins c'est ce qu'on dit les médecins. Seulement dix foutus grammes mais qui sont gages de volonté. S'en sortir, coûte que coûte. Voilà son mantra. Lorsque le bus se gare enfin sur le parking, elle se détache et court presque en direction de la plage.

Pour le retrouver, lui. Elle n'entend pas les appels du service médical qui la rappelle à l'ordre, que peut-elle bien risquer ? Soupirant, elle ralentit tout de même lorsqu'elle arrive sur le sable fin à la recherche de celui qui fait battre son cœur.  Habituée à faire des exercices physiques, elle reprend bien vite son souffle. Elle l'aperçoit enfin, perdu dans ses pensées, fidèle à lui-même. Elle sourit encore une fois, restant interdite quelques secondes avant de s'approcher.

« Coucou, babe. » déclare-t-elle, simplement. Que peut-elle dire de plus, son regard se perd dans le sien et elle se sent revivre. Comme s'ils ne s'étaient pas parlé quelques jours auparavant, elle a pourtant tellement de choses à lui dire, à lui raconter et à lui confier. Des bonnes comme des mauvaises nouvelles. Parait qu'il faut toujours commencer par la bonne non ?

« J'ai toujours pensé que tu ferais un excellent surfeur.  » plaisanta-t-elle, ensuite. Un peu de malice peut se lire sur son visage alors qu'elle dépose un baiser sur ses lèvres de miel.