if we got each other ☽ So I'm thankful for my sister, even though sometimes we fight
When high school wasn't easy, she's the reason I survived
I know she'd never leave me and I hate to see her cry      @Joanne Prescott  

Aujourd’hui était un jour particulier. Elle l’avait marqué d’une pierre blanche. Puisqu’elle allait rejoindre sa grande sœur pour aller rencontrer Henry. Grand moment dans sa vie. Elle l’avait tant attendu ce moment, qu’elle en avait parlé à tout le monde, elle ne savait plus se tenir, elle devenait une vraie petite folle. Retrouvant la vie, le plaisir de petites choses, et réussissait surtout à retrouver le sourire. Ce qui se produisait de plus en plus ces derniers jours. Elle gardait un petit livre, comme un carnet intime où elle y notait ses humeurs, ce qu’il se passait dans la journée. Une façon qu’elle avait pour garder une trace de tout ça, analyser et comprendre comment elle fonctionnait. Elle avait eu une mésaventure en début d’année, manquant presque de perdre la vie, chose qu’elle regrettait amèrement. Elle avait si peur que Joanne et son grand frère ne lui pardonne jamais, ce petit démon restait dans un coin de sa tête sans jamais réellement partir. Mais c’était son combat, aujourd’hui, elle était là pour une toute autre raison, elle venait pour voir la vie, celle que sa grande sœur avait donné.

Croissant sur la route Alba, elle venait la prendre dans ses bras. Alba et Joanne avait une relation compliquée, surtout que cette dernière entrait dans sa phase d’ado. Joyce se voyait un peu en elle, ce qui permettait d’avoir un contact plus simple, plus fusionnel qu’avec sa mère. Elle venait discuter un peu, prenant de ses nouvelles, tout en lui proposant d’aller manger un petit quelque chose avec un peu plus tard. La jeune fille acceptait avant de lui faire un dernier baiser sur la joue. Joyce s’approchait de la porte, avant de souffler, un petit cadeau dans la main, elle venait toquer doucement pour ne pas brusquer la maman, attendre l’autorisation pour ensuite entrer. Elle faisait des petits pas pour entrer, comme si elle marchait sur des oeufs, ne voulant être une nuisance pour le moins du monde. Elle posait ses affaires sur la première chaise avant de s’approcher doucement de Joanne, un immense sourire sur le visage. Elle posait le petit paquet sur le côté avant de venir s’approcher doucement. Elle venait se placer délicatement sur le côté du lit, presque à genoux par terre pour être à la hauteur d’elle et du nouveau né. Elle lui chuchotait. “Comment va la plus coriace des mamans ?”  Avant de porter son regard sur elle. Joanne semblait fatiguée, après tout, elle venait de produire l’effort ultime quelques jours plus tôt. Son corps devait recevoir un repos bien plus que mérité. Surtout qu’entre les émotions qui retombaient, toutes les visites, elle ne devait très certainement pas avoir un moment pour simplement dormir. Joyce venait d’un geste doux, placer sa main sur l’avant bras de sa grande sœur. Et sans aucun mot, elle venait lui sourire à nouveau, lui transmettant bien plus que des mots, lui transmettant une fierté d’elle, si heureuse que tout allait bien, heureuse qu’Henry soit né. Elle attendait les mots de sa soeur pour se présenter au bébé, en bonne et due forme, d’une manière Joyceresque. Le pauvre aussi, il venait d’entrer dans ce monde qu’il devait déjà rencontrer l’ancienne petite tempête de la vie de Joanne. Elle espérait en son fort intérieur avoir la chance de le voir grandir de la même manière qu’elle pouvait déjà le voir avec Alba. Comme la tata qu’elle était, qu’elle voulait toujours être, et qu’elle aimait prendre le rôle. Lorsque Joanne était prête, Joyce l’écoutait sans l'interrompre.

 

if we got each other ☽ So I'm thankful for my sister, even though sometimes we fight
When high school wasn't easy, she's the reason I survived
I know she'd never leave me and I hate to see her cry      @Joyce Prescott 

La famille s’agrandit. Et cela me comble de joie.

Bien entendu, la fatigue se fait sentir et j’atteins lentement mais sûrement un point de non retour inévitable. Mon caractère naturellement patient me force à serrer des dents et à ne pas laisser un certain agacement exploser. Tout gâcher après une telle épreuve qu’est l’accouchement serait ridicule et je savoure chaque aspect merveilleux d’une phase de ma vie que je ne pensais jamais connaître à nouveau. Irrémédiablement, mon regard se pose sur mon enfant, dormant paisiblement. Je me nourris de cette tranquillité, rapidement écourtée par une visite que j’attendais avec une impatience digne d’une enfant. Dès que j’aperçois le visage de ma petite soeur chérie, le mien s’illumine et je chuchote, aussi discrète que possible, luttant contre l’envie de rire en l’admirant marcher avec une élégance qui lui ressemble bien:

Joyce… Je vais bien, tant que tu es près de moi.

La relation que j’entretiens avec ma petite sœur est au-delà de tous les mots, au-delà de la raison elle-même. Elle compte tant à mes yeux, encore davantage depuis que j’ai pensé la perdre, ce jour-là. Cette frayeur, je tente de l’oublier, mais ce n’est jamais évident de mettre de côté les émotions d’autrui, surtout quand on réalise à quel point je suis attachée à ce bout de femme. Nous n’avons jamais osé reparler de cet… “accident”. Par peur? Sans doute. Mais également car je suis du genre à ne pas revenir en arrière, en tout cas, pas officiellement. Mes doutes, mes interrogations et mes pensées, d’ordinaire, je les conserve jalousement, je ne partage rien, j’accumule, je gère seule. Statut qui m’a été confié par la force des choses. Et le silence, oui, celui que je ne connais que trop bien, s’insinue une fois de plus dans cette pièce, jusqu’à l’alourdir. Souriant doucement, je me décide à tenter une approche qui ressemble à celle-ci:

Tu sais, je…

Aussitôt, je suis interrompue par quelques adorables bruits provenant du berceau, situé juste à côté de mon lit. Tournant immédiatement la tête dans sa direction, j’annonce à Joyce, qui a sûrement dû se douter du constat que je lui offre:

Oh, je crois qu’il vient de se réveiller! Attends…

Je me redresse et attrape Henry, avec d'infimes précautions. Il semble si fragile et à la fois, il respire la paix. Le contact physique est si bon, mon bébé est adorable. Ses yeux sont encore clos, il doit être plongé dans une phase de sommeil mêlée à des réveils impromptus. Il ne semble pas souffrir, il est simplement encore un peu perturbé. Lui qui vient de passer neuf mois dans le ventre réconfortant de sa maman! C’est tout à fait normal qu’il se sente perdu. Mais je suis là, je serais toujours là. Un sentiment me gagne, si primaire: le protéger. Le couver, l’aimer, le rassurer, lui offrir mon amour éternel. Un temps infini semble s’écouler. Je suis plongée dans une bulle de tendresse sans précédent mais je n’oublie pas pour autant la présence de Joyce, en lui proposant, plantant mon regard dans le sien, si captivant:

Tu veux le prendre…?

Je n’attends pas une réponse formelle de la part de Joyce pour lui confier Henry. J’attends qu’elle place correctement ses bras afin de le recevoir et j’agis. Sans réfléchir, sans me poser des milliers de questions.

Car je sais qu’elle en sera capable. J’ai foi en elle, je crois tellement en ses capacités, en son esprit parfois léger mais si sincère. Elle est une perle que ce monde ne mérite pas toujours mais sa singularité est sa force.
Joyce, tu es unique en ton genre et c’est précisément pour cette raison que je t’aime.
Ne le vois-tu pas, cet amour, dans mon regard?
N’aperçois-tu pas cette pureté, dans les yeux de Henry…?

Et soudainement, le temps s’arrête. Plus rien n’a d’importance, l’Univers entier s’est mis sur pause. Et les explications que je souhaite fournir à ma petite sœur sur la conception de mon second enfant, la peine que je ressens envers Eliott, les tracas qui s’accumulent concernant Alba…
Plus rien n’a d’importance.
Émerveillée par ce spectacle, je pose une main sur le ventre de Henry et colle mon front sur celui de Joyce.
Connectés. Tous les trois.

Le monde offre tant de merveilles, il est temps de les apercevoir comme il se doit…