Des cartons, Hoshi était entourée d'une mer de cartons. Entassé là, les uns sur les autres, voir même dans une position précaire. Il n'avait pas tant d'affaires que ça, quand tout sera déballé.  Et il n'avait pas tant d'affaires quand il était à New York, alors qu'est-ce qui s'était passé ?  À ces souvenirs, il n'était affublé que de deux ou trois valises non ? En quelques… Mois, comment il avait réussi à cumuler autant? Hoshi avait fait le tour de quelques centres de récupération, acheté quelques affaires d'occasion parce que venir ici, l'avait laissé sur la paille. Mais aussi quand il était parti, on ne pouvait dire qu'il était richissime. Parti de sa famille d'accueil, il n'avait rien, le petit s'était bien rattraper.

Si à cet instant, Hoshi était en train de tirer comme un diable sur un carton, en le faisant traîner parterre. On pouvait bien se demander en le voyant faire, si ce n'était pas le carton qui traînait Hoshi. Il avait voulu faire le gars capable de soulever du poids... Il a lamentablement échoué. Qui va gagner Hoshi ou le carton ? Et bien le carton, parce que Hoshi déclara vite forfait, le souffle coupé par l'effort. Les yeux lui piquaient par la transpiration. « Tu veux que je te dise... La prochaine fois, je prends un déjà meublé. Je vends tout et je rachète neuf... » La prochaine fois, ça sera, il espère dans 10 ans voir 20, quand il ne pourra même plus déplacer lui-même les cartons. « Qu'est-ce que tu fais ? Et je changerais de bras droit aussi... » Dit-il amusé même s'il allait clairement se faire tuer sur place. Il voyait déjà la scène si tu n'étais pas content, je vais te laisser avec des cartons à te démerder. Peut-être qu'il aurait deux ou trois objets qui vont lui finir en pleine tête. C'est d'ailleurs pour ça qu'il s'était jeté vers le canapé pour se planquer. Quand il dit jeté, c'est vraiment jeter et pas dans le sens juste du mot. Mais dans cette action, il n'avait pas vu le carton de nourriture qui était plaqué juste derrière. Soixante-quatre kilos, vous pensez que ça fait quel dégât ? Il immergea de derrière le canap, juste de quoi apercevoir ces yeux, levant avec fierté un bras, en signe de paix, mais aussi pour se faire pardonner. « De la purée de chips, ça te dit ? »

Cela fait maintenant plus d'un an que Hope vit dans un immeuble communautaire. Si les débuts ont été difficiles pour cette solitaire, qui a eu du mal à s'acclimater à un environnement social, elle y a finalement trouvé sa place. Même avec Corban, son colocataire, les choses se passent bien. Bon, il y a bien les nuisances qu’il provoque en ramenant des filles dans son lit, ce qui la rend folle, mais elle ne manque jamais une occasion de se venger.

Face à la bonne ambiance qui règne dans l'immeuble, avec un loyer très modeste et un propriétaire peu chiant, Hope a décidé de parler à Hoshi d’un appartement qui vient de se libérer. Avoir son binôme, un membre du crew – de sa famille – pour voisin, c’est une idée qui l’a tout de suite emballée. Autant dire qu’elle n’a pas lésiné sur les arguments positifs pour le convaincre, ce qui a fini par payer puisqu’ils sont en plein emménagement.

Après avoir porté un carton jusqu’au nouvel appartement du danseur, Hope s’adosse contre le mur, prend une gorgée de sa gourde et ricane en le voyant traîner un autre carton à même le sol.

- Tu veux que je te dise... La prochaine fois, je prends un déjà meublé. Je vends tout et je rachète neuf...
- Oh ça va, p’tite nature. Allez, Rambo ! Un peu de nerf ! Ce sont des muscles ou du slim que tu as dans les bras ? se moque-t-elle gentiment. Je t’ai dit de faire appel à des déménageurs. Je t’aurais aidé à les payer, poursuit-elle.

Elle s’apprête à boire une autre gorgée, mais les mots de cet ingrat la stoppent net.

- Qu'est-ce que tu fais ? Et je changerais de bras droit aussi...
- Pardon ?! s'exclame-t-elle en plissant les yeux et posant sa gourde sur un carton. Ça fait plus d’une heure que je me casse le dos avec tes affaires pourries ! gueule-t-elle avant d'attraper la première chose qui lui tombe sous la main pour la lancer sur lui.

Le pauvre objet en question ? Une grosse peluche Yoshi qu’elle lui a offerte pour l’un de ses anniversaires.

- T’es un ingrat ! La prochaine fois, tu te démerderas tout seul ! Va trouver un bras droit capable de supporter ton humour à la con ! poursuit-elle en jetant un coussin, qu’il a tout juste le temps d’esquiver en se planquant derrière le canapé.

Enfin, il semble manquer son coup, à en juger par le bruit sourd qu’elle entend. Hope avance de quelques pas et aperçoit sa tête qui dépasse du fauteuil.

- De la purée de chips, ça te dit ?

La métisse lève les yeux au ciel, ainsi que les bras.

- Qui m’a donné un boulet pareil comme pote ?! souffle-t-elle.

Elle le regarde en haussant un sourcil avant de se mettre à rire, passant une main sur son visage. Il est gauche, mais bon sang, qu’est-ce qu’elle l’aime, son Yo-yo ! Oui, c’est le surnom qu’elle lui donne. Gameuse dans l’âme, le prénom de Hoshi lui fait penser à Yoshi dans Mario. D’où la peluche. Maintenant, qu’il l’aime ou pas, ce n’est pas son problème ! Il doit faire avec.

- T’es un cas désespéré, tu le sais, ça ? demande-t-elle en l’aidant à ramasser la nourriture éparpillée partout. Bon, je pense qu’il doit y avoir un diable dans la cave commune. Ça pourrait aider à transporter les derniers cartons.

Levant les yeux vers lui, elle se dit qu’elle aurait peut-être dû penser à lui donner cette information dès le début. Il est possible qu’elle ait complètement zappé l'existence de cet outil et qu’elle vient tout juste d’y penser. Rapidement, elle s’éloigne de lui tout en levant un doigt en l'air.

- Me tue pas. S’te plaît. N’oublie pas que tu m’aimes trop pour ça. Ta vie serait si terne sans moi. J’ai potentiellement zappé qu’on en avait un ici. Mais regarde le bon côté des choses… ça t’a permis de faire un peu de muscu ! conclut-elle en haussant les épaules et lui adresse son plus beau sourire.

Hoshi avait laissé un peu de temps aux arguments de Hope, pour faire un chemin dans son cerveau. Pesant le pour et le contre, même si, il devait bien l'avouer, il avait déjà une réponse tout tracé. Il ne voulait surtout pas l'entendre dire et répéter qu'il avait eu tort de ne pas accepter son offre si un jour, il lui venait de se plaindre de son logement. Se plaindre ? Lui ? Jamais ! En-tout-cas, il ne voulait pas l'avouer, mais sa proposition tombait bien. Et qu'il est une tête connue dans l’immeuble, le rassurer. Et puis c'était Hope son double. Il se réjouissait de cette nouvelle perceptive, une nouvelle aventure. Finalement, ce n'était pas un bon présage pour les autres, les deux réunis. Promis, ils seront sages... Hoshi n'avait pas vraiment envie de se retrouver sans toit non plus.

L'appartement n'avait rien à voir avec son précédent. Petit dix mètres carré, sanitaire à partager, échangé pour un plus grand avec sa propre salle de bain et sanitaire. Ça n'a rien à voir. Il n'étendrait certainement pas son voisin rentré complètement ivre ou autre tous les soirs, à chercher à ouvrir sa porte, alors que c'était la sienne qu'il tentait d'ouvrir.

Son regard comme ces gestes s'étaient arrêtés un instant, sur Hope. Elle devait être malade ? De la fièvre certainement. Il était tenté de poser sa main sur son front. Bon, il avait les mains prises par son carton. Enfin, c'était une excuse parce qu'il était au sol depuis... Depuis le pas de la porte, à vrai dire. « Rambo ? Le mec plein de testostérones ? À la voix, d'un mec fumeur depuis 30 ans qu'on surprend au réveil ? Tu es sérieux, Mac, Macky, tu aurais pu choisir une autre image. Entre nous, je ressemble plus à Ditto des pokémons. » Ma foi, ça partait d'une bonne intention, même s'il était un peu vexé d'être comparé à … Il n'avait même pas regardé un seul de ces films. Mais il avait quand même la ref. Il bougonna dans sa moustache, qu'il n'avait pas d'ailleurs, en évoquant la question des déménageurs. « Merci, toi comme moi, même si ce sont des proches. On a trop de fierté pour dire merci. Et quand il est question d'argent... Ça pourrit une amitié. Et je tiens à la nôtre... » C'était presque une règle pour Hoshi. Ces proches, c'était sa famille. Il n'en avait pas beaucoup, ils avaient fait beaucoup pour lui. Hope y compris. Elle avait fait beaucoup, il n'avait pas envie de pourrir ce lien par des petites choses. On ne choisit pas sa famille, lui avait choisi la sienne.

Il aimait autant provoquer sa colère qu'elle la sienne. C'est un jeu bien sûr, entre eux. Un peu comme un frère et une sœur. Ils se cherchent, se taquinent, c'est exactement ce qu'il se passe. Enfin, des fois, il faut tout se mettre aux abris. Comme ici. « Mes affaires pourries ! » Dit-il en haussant lui-même la voix. Qu'est-ce qu'était une dispute sans monter le son hein ? Enfin, Hoshi avait très vite baissé la voix, quand elle tenait Yoshi dans les mains. Ses mains devant pour calmer le jeu. « Pose Yoyo doucement ! Pas de geste brusque ! Il est innocent dans l'histoire, c'est un dommage collaté.... » Trop tard, Hoshi ne pouvait pas dire si Yoshi avait traversé la pièce ou si lui qui avait immortalisé l'instant avec se chute, et sa purée de chips. En-tout-cas, ça avait le mérite de faire rire Hope. « Tu ris de ma maladresse... Quelle amie fait ça ?» Dit-il désespérer... Eux, bien sûr... « Un pote que tu adores et que tu aimerais échanger pour rien au monde ? » Risqua-t-il de dire, un sourire aux coins des lèvres.

Un diable, il avait bien entendu ? Dans la cave ? «  J'espère que tu parles bien, du genre... Il faut qu'on contacte un prête pour exorciser la cave, prière et toute la merde-là qu'on voit dans les films ... » Mais qu'elle ne parle pas de l'objet, avec des roues pour porter les cartons. Hoshi s'était relevée facilement. Le canapé ne faisait plus office de protection. Ces pas, certes lents, commençaient à se diriger vers Hope. Est-ce qu'il était menaçant, peut-être ? Elle avait toute son attention. Bois ton soda Hoshi, pour faire passer la pilule. Il l'avait abandonné, il y a à peine trente minutes, mais il avait la gorge incroyablement sèche d'un seul coup. Une gorgée, puis deux... Son regard plongeait sur elle. Il encaissa ce qu'elle venait de dire, avant de … Il ne savait pas si c'était la meilleure idée du monde, mais... Sa main venait couvrir le sommeil de la bouteille, et la secoua avant de la diriger vers Hope. Il n'était pas difficile d'imaginer la suite. « Il paraît qu'il faut baptiser les bateaux avant de prendre la mer, ça doit être pareil pour les appart » Et, c'est qui qui allait nettoyer de désastre ?

- Rambo ? Le mec plein de testostérones ? À la voix, d'un mec fumeur depuis 30 ans qu'on surprend au réveil ? Tu es sérieux, Mac, Macky, tu aurais pu choisir une autre image. Entre nous, je ressemble plus à Ditto des pokémons.

Hope arque un sourcil en l'entendant, un ricanement échappant de ses lèvres avant qu'elle ne parte dans un véritable éclat de rire. Imaginer Hoshi avec la voix rauque d'un septuagénaire fumeur, c’est quelque chose.

- Mais... Yoyo, c’est juste une façon de parler. Si je devais vraiment te comparer, ce serait plutôt à Psykokwak, tu sais, celui d'Ondine, le taquine-t-elle. Quand je dis « allez, Rambo », c’est pour dire « allez du muscle, quoi », tu vois ?!

Le taquiner et le chambrer, c’est un de ses plaisirs. Mais Hoshi le lui rend bien. Leur humour à la con  les rapproche depuis le premier jour. Hoshi, c’est son binôme, sa moitié. Quand le moral flanche ou que les vieux souvenirs remontent à la surface, c’est vers lui qu’elle se tourne. Il sait mieux que personne comment lui vider la tête et lui redonner le sourire. Sa carapace se fissure quand il est là. Avec lui, elle n’a pas besoin de prétendre que rien ne l’atteint. Le savoir dans le même immeuble la rassure, car elle sait que, même au milieu de la nuit, elle peut descendre d’un étage et frapper à sa porte si elle vient à passer une mauvaise nuit.

- Merci, toi comme moi, même si ce sont des proches. On a trop de fierté pour dire merci. Et quand il est question d'argent... Ça pourrit une amitié. Et je tiens à la nôtre...

Il n’a pas tort. Hope, avec sa fierté mal placée, peine toujours à dire merci. C’est toujours du bout des lèvres. Ce n’est pas pour rien qu’elle a toujours mis un point d’honneur à se débrouiller par elle-même. La preuve : pour relier New York à Monterey, elle a volé une moto plutôt que de prendre l’avion. Elle déteste perdre le contrôle. C’est aussi pourquoi, elle n’aime pas se faire conduire, elle préfère se trouver derrière le volant.

Garder le contrôle, c’est survivre.

- T’as pas tort. Mais Hosh’, tu sais qu’entre nous, il n’y a rien de tout ça. Il en faudrait bien plus qu’une histoire de fric pour te débarrasser de moi. Je suis comme un chewing-gum collé à tes basques, répond-elle en haussant les épaules.

Après cette petite déclaration affectueuse, la conversation vire à la chamaillerie. Toujours avec style et humour, bien sûr. Une scène digne d’une télé-réalité bidon. Ils exagèrent un max, juste pour le plaisir. Même Yoshi finit par se mêler à leur fausse querelle. Pauvre petite chose. Finalement, la maladresse légendaire d’Hoshi fait éclater de rire Hope. Il a deux pieds gauches, ce n’est pas possible.

- Tu ris de ma maladresse... Quelle amie fait ça ? Un pote que tu adores et que tu aimerais échanger pour rien au monde ?
- On doit être un peu masos tous les deux. C’est pour ça qu’on s’entend si bien et qu’on est comme deux sangsues collées l’une à l’autre, répond-elle avec un sourire en coin.

L’ambiance change quand Hope se souvient soudainement du diable. Vous savez, ce chariot à roulettes bien pratique pour transporter des cartons lourds ? Eh bien, elle l’avait complètement zappé. Ouaaais, ça aurait été très utile pour le déménagement.  Hoshi, lui, prend un air faussement indigné face à sa mémoire de poisson rouge à la Dory de Nemo. Oupsi’.

- J'espère que tu parles bien, du genre... Il faut qu'on contacte un prête pour exorciser la cave, prière et toute la merde-là qu'on voit dans les films ...

La jeune métisse incline légèrement la tête en formant un petit « o » avec ses lèvres. Mais en le voyant avancer, avec sa boisson en main, Hope recule vivement vers la porte d’entrée restée ouverte.

- Yoyo… gentil. Gentil Yoyo… souffle-t-elle.
- Il paraît qu'il faut baptiser les bateaux avant de prendre la mer, ça doit être pareil pour les appart.
- Pas besoin ! Sérieusement, repose ce soda et arrête tout de suite de penser à ce que ton esprit de cinglé imagine, dit-elle en levant les mains. C’est, mais alors, une trèèèès mauvaise idée ! Imagine le mur et le sol qui collent ensuite… « scroutch, scroutch » à chaque pas, ajoute-t-elle avec une grimace. Et n'espère pas que je t’aide après, car je vais filer sous la douche et y rester des heures ! Tu te démerderas seul pour finir ton déménagement. Est-ce que ça vaut le coup ? Hein ? Au nom de notre amitié ! Notre amitié fraternelle ! Je rameute tout l’immeuble, rien à claquer ! T’imagine ?! Sympa comme réputation à peine arriver !

Elle en fait des tonnes, mais sérieusement, qui voudrait se faire asperger de soda ?

- Écoute, si tu reposes ce soda, je te montre où se trouve le diable. Mieux vaut que je m’en souvienne maintenant plutôt qu’à la fin, non ? On a fait quoi, cinq ou six allers-retours ? C’est quoi après tout ? Pas grand choooose ! conclut-elle avec un grand sourire angélique.