Martha Sighbury – Avocate. Debout face à la plaque dorée sur laquelle ce nom était gravé, je pris une inspiration avant de sonner. La porte s’ouvrit enfin, me laissant entrer dans un immeuble où seul le premier étage m’intéressait. Je préférais prendre les escaliers, persuadé que me dégourdir les jambes m’aidera à me détendre. Une fois arrivé, je tape à la porte qui s’ouvrit presque instantanément et me voilà, en direction de la secrétaire. Mon cœur tambourinant dans ma poitrine, me rappelait à quel point je n’étais pas à l’aise à l’idée d’être ici. Je n’ai jamais eu besoin d’un avocat dans ma vie jusqu’à présent. « Bonjour, j’ai un rendez-vous. » Mon stress, associé à ma nervosité se fit immédiatement ressentir auprès de la secrétaire qui me demanda mon nom. Je lui épelais donc Keller, pour qu’elle puisse vérifier ma présence sur le calendrier du jour. La bonne dame me regarde par-dessus ses lunettes et m’indique ensuite la salle d’attente, m’informant que Mme Sightbury viendra me chercher lorsque ce sera mon tour et qu’elle avait un peu de retard. J’acquiesçais par un signe de tête avant de suivre les consignes qu’on vient de me donner.
Assis sur la chaise, droit comme un I, j’étais tendu et avais hâte que ce moment passe enfin. Je ne pensais pas en arriver là un jour. Je pensais tenir une vie stable, mon mariage a plus d’une dizaine d’années, et c’est peut-être justement là l’erreur que j’ai commise, nous sommes tombés dans une routine que je n’ai pas vu venir et notre combat contre l’infertilité devint insupportable. Au début, nous étions pleins d’espoir, motivés à bloc et prêts à affronter le monde, mais plus les années passaient et plus nos espoirs se sont vus réduits à néant, s’éteignant petit à petit, sans que nous ne puissions rien y faire. Pourtant, mon espoir, sans doute notre espoir, restait inébranlé et nous étions convaincu que nous finirons par y arriver. Mais… la fois de trop, l’échec de trop, la déception de trop a eu raison de nous et a fait déborder le vase, déjà bien remplis. Je pris une profonde inspiration, remplissant mes poumons d’air frais pour me sentir mieux. Quelques mois après le départ d’Elena, j’ai compris qu’elle ne reviendrait pas et encore quelques mois plus tard, j’ai fini par me faire une raison et assimiler le fait que nous ne pourrions plus jamais reformer le couple que nous étions.
Mon acceptation de la chose a pris beaucoup de temps, plusieurs étapes furent nécessaires pour que je digère, pour que je comprenne, pour que j’accepte. Aujourd’hui, me voilà enfin prêt à faire un pas en avant. Le bruit des talons de la jeune femme me sortit de ma rêverie, je me lève donc, prêt à tendre ma main. « Maître Sighbury, bonjour. Etant donné que vous êtes une femme, dois-je dire maîtresse Sighbury ? » j’écarquille les yeux lorsque mes mots arrivent à enfin mes oreilles. Purée le boulet ! Bon sang ! Je n’ai tout de même pas dit ça à voix haute ?! A la tête que fait la jeune femme, il semblerait que oui. Raaaaaaaah, mais quelle horreur ! Ca ne va jamais bien se passer si je commence de cette façon… Une énorme page de ma vie se tourne aujourd’hui et je ne me mets pas dans les meilleures conditions. « Je suis Daniel Keller, votre rendez-vous et… j’ai besoin de vous. » Plutôt bien résumé finalement, pour le moment, je ne sais pas quoi dire de plus.

@Martha Sighbury

Première boulette. Je ne sais pas si je dois mettre ça sur le compte de ma maladresse, ou du stress qui monte depuis tout à l’heure face à ce rdv qui m’attend. Une énorme page de ma vie s’apprête à s’écrire aujourd’hui, mais je me sens prêt, plus que prêt, je n’ai plus de doutes sur le dessin de mon avenir. Ouuuuf, elle ne relève pas ma bêtise issue de ma maladresse, ce sera donc Maître Sighbury, je me contenterais de ça. Je me présente à mon tour comme son rendez-vous dire, bien qu’elle ai l’air bien informée. « Vous êtes plutôt perspicace. » dis-je sur un ton à la limite amusé, pour détendre un peu l’atmosphère, mais pas sûr que ça fonctionne vraiment en réalité. Je suis tendu. Elle doit sûrement le sentir à mon avis puisque je joue avec mes doigts, que je bouge incessamment ma jambe après m’être assis face à elle. « Je veux bien un café s’il vous plait. » ça me fera du bien, même si je ne suis pas convaincu que ça me détendra.

Elle semble avoir consulté mon dossier puisqu’elle va droit au but, montrant qu’elle connait la raison de ma venue. « Exactement. » lui dis-sur un ton assez raide. Maaais, parce que je suis vraiment perturbé de me retrouver dans cette situation. Dois-je tout lui raconter ? Je ne sais pas jusqu’à quel détail je peux aller. Elle va peut-être devenir mon avocate, autant en parler le cœur ouvert… Je prends une profonde inspiration avant de commencer à contextualiser ma situation. « Marié depuis une dizaine d’années, nous étions dans une routine, mais j’avais l’impression que ça roulait bien. » je dis en haussant les épaules, parce que c’est ce que j’avais ressenti, je ne l’ai pas vu venir et c’est ce choc là qui a fait le plus mal. « Nous avons vécu pas mal d’échec en essayant d’avoir un enfant, je pense qu’elle est là la cause de son départ. C’était la fois de trop. » dis-je en soupirant. Ma voix tremble presque, je suis beaucoup plus ému que je ne le pensais. « Un jour en rentrant du travail, elle n’était plus là. Elle a pris toutes ses affaires et elle est partie, en me laissant un simple mot.  Les premiers mois, j’étais prêt à recoller les morceaux. J’ai essayé de reprendre contact et de me battre pour ce que nous avions… et en fait, un matin j’ai reçu les papiers du divorce. » dis-je en fronçant les sourcils. Me replonger dans cet épisode de ma vie est douloureux, très douloureux. J’en tremble, j’ai le cœur lourd, le cœur qui se sert. « A présent, je vais mieux. Beaucoup mieux. J’ai… j’ai avancé, je crois et je ne veux donc plus reculer. Je suis là aujourd’hui pour tirer un trait tout ça. J’ai besoin d’être représenté car je souhaiterais divorcer. » Annonçais-je cette fois sans la moindre hésitation dans la voix. Je suis enfin prêt à passer ce cap de ma vie.

@Martha Sighbury