Une journée à regarder la pluie tambouriner contre les fenêtres. Une journée à ne rien faire, car le soir on a des projets. Haneul se vanterait d’être invité à une soirée très spéciale où se mêlent boissons et jeux, mais ce n’est pas tout à fait le cas. Il va simplement prendre son service au trampoline park qui lui a ouvert ses portes (et ses bras, mais est-ce que les trampolines ont des bras ?) à son arrivée à Monterey, il y a de longs mois qui se chiffrent maintenant en (peu d’) années. Des jeux, il y en a beaucoup. Sauter est très amusant, le plus haut, le plus loin possible. On se ramasse la gueule par terre et parfois ça fait mal. Parfois, ça tourne même très mal et on appelle l’ambulance. Des acrobaties, lancer le ballon dans le panier (ou du moins essayer), des petits obstacles à franchir, ce truc qui tourne et qui vous fauche si vous n’y prêtez pas attention et ne sautez pas à temps… des jeux, des jeux par dizaines, par milliers qu’il crie Haneul alors que ce n’est pas tout à fait ça. Des boissons, et pourquoi ? C’est du sport que gesticuler, on a vite soif, la gorge sèche qui réclame son soulagement. Peu d’alcool au bar pour éviter les évitables accidents, il y a d’autres lieux pour ça. De l’eau fraîche, des sodas qu’on consomme un peu trop rapidement, du café et c’est parti pour une nuit de folie… sachant que le trampoline park ferme à deux heures du matin le vendredi et le samedi. On finira la soirée ailleurs, avec d’autres choix de rafraîchissements, des idées plein la tête.

L’horaire d’Haneul change régulièrement. En général, avec quelques collègues, le vendredi ou le samedi, il anime la soirée. Quelle idée ! Le garçon est sociable mais évite les foules, attire l’attention mais là, c’est trop. S’époumoner et encourager les timides à dépasser leurs limites, leur montrer par ses talents fous tout ce qu’un trampoline peut offrir, alors qu’eux, ils n’auront jamais son niveau, car Haneul est danseur, alors dans les airs, son corps se déploie et s’ouvre aux plus belles perspectives. L’heure tourne, les vêtements sont enfilés parce qu’il se baladait à moitié à poil jusque là et il file dans l’obscurité naissante, les voitures qui roulent, le bus qui s’arrête juste à temps pour que l’âme fatiguée l’attrape au vol, et ils filent vers le trampoline park, les kilomètres sont avalés. Haneul appuie sur le bouton d’arrêt, de toutes ses forces, il crie au chauffeur qu’il doit s’arrêter là absolument car il s’y est pris tard, et il court vers sa destination rebondissante.

Il fait sombre mais y’a des lumières partout. Dans leur boîte de nuit étrange, les clients rient et sautillent, la musique est forte, les boissons coulent à flots. Y’a peut-être plus d’alcool que d’habitude, Haneul se ressert une bière au comptoir en clamant avec des yeux de biche que ça l’aide à se dérider. C’est pour le bien des gens, ils vont s’ennuyer sinon ! La serveuse lève les yeux au ciel et dépose le liquide ambré devant la bouche vorace et assoiffée. Deux heures qu’il rebondit jusqu’au plafond. Il n’a pas mangé beaucoup, il y a des restaus encore ouverts qui lui rempliront l’estomac lorsqu’il aura terminé ses diableries. Pause méritée, les muscles sont endoloris. Une jeune femme lui sourit, il lui rend en montrant toutes ses dents parfaitement alignées, et il fuit vers les casiers auxquels les clients ont aussi accès. Plus grand, décoré de stickers variés et colorés comme les lumières, Haneul étire ses membres. Il ne fait pas n’importe quoi, et on peut l’observer dans la semi-obscurité (deux femmes gloussent, il ne leur prête aucune attention). Une jambe élégamment en l’air, l’homme repose ses membres pour leur permettre de sauter encore un peu, l’envoyer au sommet et impressionner toutes ces âmes qui n’auront d’yeux que pour lui. Le pied retrouve le sol, et c’est l’autre jambe qui effectue ces mouvements qui plaisent tant lorsqu’on s’intéresse à la danse classique. Haneul n’oublie pas la passion qui le dévore plusieurs fois par semaine. Il a loupé la vie pro, il rattrape ses erreurs comme il le peut.