Une dernière recommandation pour la soirée, un dernier baiser sur le front de la petite crapule et la porte qui claqua derrière elle. C’était plus fort qu’elle, mais un soupire s’échappa de ses lèvres une fois à l’extérieur. Pas de tout repos, est la pensée qui prima dans son esprit alors qu’elle remontait la petite allée vers sa moto. Être apprêtée ne lui était pas arrivée depuis si longtemps, qu’elle avait bien failli oublier de protéger ses jambes pour le trajet et de prendre ses talons au passage. Cette fois c’était la bonne, elle était sur le départ. Elle enjamba la bécane, mit le contacte pour laisser le moteur rugir pour la première fois depuis quelques jours. Elle remonta la fermeture de son blouson, tapa un texte rapide sur l’écran de son portable : « Je suis en chemin. Toujours pas de sirènes à l’horizon ? », puis elle passa son casque et se mit en route, avec un œil sur sa montre connectée d’une éventuelle réponse. Le chemin vers la caserne, elle aurait pu le faire les yeux fermés, c’est donc distraite, et l’esprit presque ailleurs qu’elle gara sa précieuse moto sur le côté de la caserne. Elle vérifia une dernière fois sa montre, mais aucun red flag. Sac à dos à bout de bras, où se reposaient ses bacalitos dans un tupperware, elle passa la porte des artistes comme ils disaient. Se faufila entre les véhicules de secours, pour arriver enfin à son but. « Mais qui voilà ! lança une voix charmeuse. » Un sourire complice et une accolade plus tard, Mara fit le tour des bras de la caserne pour tous les saluer. « J’espère que le chef vous a affamés bande de sales mômes, j’ai apporté les ravitaillements. » Comme du sac de Mary Poppins, Mara sortit de son sac plusieurs tupperware de sauces, d’accompagnement, de légumes. « Alors où sont les absents ? Gruñón est encore dans sa tour ? » Son rire emplit les lieux de sa lumière si particulière ?

Alors qu’elle chamaillait avec une partie de la caserne, qui s’était déjà attablée avec entrain, une voix la fit faire volte-face. La remarque de son ex-mari lui fit hausser un sourcil alors qu’elle posa un regard rapide sur sa tenue. C’était vrai, un style qu’elle arborait très souvent quand ils étaient ensemble : une robe fluide engoncée dans un pantalon de motard. Cela ne payait pas de mine, mais quand elle sera sur place, elle éblouirait. « Attends que je retire ce pantalon. » Elle se laissa à l’habitude des gestes qu’ils avaient l’un envers l’autre. Un baise main, c’était que le début, elle laissa sa main trainait sur l’épaule de Jona et le suivre pour finalement se percher sur son épaule, par habitude. « Attention les mômes, papa va vous gronder ! » Son froncement de sourcil était plus comique que sincèrement. Mara aimait cette ambiance, elle s’y sentait chez elle, malgré son divorce, Jona ne l’avait jamais mise dehors, et elle lui en était très reconnaissante, surtout aujourd’hui, après une énième dispute au téléphone avec Santiago. Une bouffée d’air, dans l’oppression du doute. Elle fut sortie de ses pensées par Jona, qui lui tira un sourire. « Ouais ouais c’est ça. » Malgré le compliment qui réchauffait son cœur, un air glacial le suivit aussitôt après. Bonne à marier. Cela ne l’avait pas empêché de la divorcer, non ? Son amour avait été fugace, et blessant.
Comme toujours, pourtant, elle écarta ses pensées maussades. Le passé s’était le passé. Elle ne pouvait pas le changer, car elle ne savait même pas ce qu’elle changerait, et si elle le changerait. Une ombre sur son visage, une fraction de seconde, balayait par le courant d’air de son sourire. « Mange, j’ai mes pieds qui me démangent ! » Elle se dirigea vers le comptoir et y pris place assise en attendant que tout ce beau monde mange avec animation. Ce n’était pas dans son habitude d’être silencieuse, mais ces derniers temps, elle se découvrait plus taciturne, plus à l’écoute, à prendre du plaisir à observer ses proches, plus qu’à les harceler d’idées, de pensées, de nouvelles. Elle appréciait vraiment ce sentiment de sécurité de faire partie d’un tout, elle qui semblait se disloquer morceau par morceau ces derniers jours. « Au fait la nouvelle n’est pas là ? » étrangement tous se figèrent et semblaient attendre quelque chose de l’homme en bout de table. Cela la fit rire, car elle savait ce que ça signifiait. « Alors grand chef ? Me caches-tu quelque chose ? Dois-je avoir peur ? » Son regard pétillant se porta sur Kevin avec qui elle avait partagé plus que quelques mots, y’a longtemps. Un haussement d’épaules pour réponse, rien de plus. Puis elle passa à Dakota, il plongea la tête dans son assiette. Qu’est ce qui se tramait ? Pourquoi cette nouvelle recrue évoquait tant de mystère alors que Mara n’allait pas la manger ? « Quoi ? C’est ta nouvelle conquête c’est ça ? » s’adressa-t-elle à Jona en toute innocence et amusement.

Elle aimait ce qui les lier, ce qui les représenter, ce qui avait été, est, sera. Bien sûr la blessure était toujours plus ou moins à vif, selon le jour, ou la période. Le regret était bien plus présent ces derniers temps. Cependant, la colère et la rancune s’étaient apaisées avec le temps, et ils avaient retrouvé cet équilibre qui leur était propre. Le ying et le yang. Deux entités en parfaite symbiose. Il était pour elle son ancre, alors qu’elle était pour lui une légèreté de vivre. Ses mots, ses gestes, elle en aimait toute la splendeur, et la sincérité. Elle ne se cachait pas d’apprécier de la qualifier de reine, ses joues en étaient le témoin, légèrement rosies. Mara était loin de se soucier ce que ses interactions avec Jona pouvaient provoquer chez les autres, car elle était bien à mille lieux de cela, quand il était là. Elle était : elle. Juste Mara. La piquante, l’extravagance, l’humoriste, la mère. « Il faut bien qu’ils reçoivent un peu d’amour, si tu n’es que l’ordre et la discipline. » Elle le taquinait, le chambrer comme à son habitude. Puis le mystère l’intrigua, elle plongea dans le sujet de « la nouvelle » tête la première. « Audrey ? » Ce nom lui était familier, mais ça ne pouvait pas, pourtant il est vrai que son amie de voyage ne lui avait pas précisé son lieu de chute pour son déménagement, mais ça serait quand même gros qu’elle débarque dans la ville où Mara résidait. « Un crochet du droit ? Toi t’as encore cherché les ennuis. Tu n’as pas retenu la leçon avec Billie ? » Elle aima à s’imaginer, la scène, même si elle était faussée, car la seule femme du prénom d’Audrey qu’elle connaissait ne pouvait être, sa Audrey, mais ça lui plaisait à imaginer la tête d’un Jona penaud face à la férocité d’une petite blonde. Cela l’amusa beaucoup et encore plus quand le « grand tabou » franchi la bouche de son ex-mari. Elle ne pu s’empêcher de rire. « Attendez… C’est ça que tu caches ? » Elle s’attendait à pire. Genre que la nouvelle lui ressemblait en tout point, une jumelle maléfique comme dans les thrillers ou les docu série sur des meurtres dont la belle raffolait, mais non. La nouvelle habitait sous le même toit que son ex, rien de plus. Elle se tordait sur le comptoir, devant ce qui ressemblait à du soulagement de toute la caserne. Elle était latina certes, mais elle n’était vraiment pas connue pour ses sandales de jalousie ou de possessivité. « Déstressez les mecs. Jona est un grand garçon, il fait bien ce qu’il veut. Comme dirait ma mère : il est majeur,  vacciné et divorcé, grand bien lui fasse de trouver une bonne fille. » Dans son imitation de la matriarche Rivera, elle s’était levé et son index en direction de Jona l’avait désigner pour ensuit lever les bras comme une bonne fille. Oui Jona avait toujours ses grâces auprès de la mère de Mara, qui avait été heureuse le temps de leur relation d’avoir un fil si beau. Chose qu’elle rabâchait à Mara jusqu’à l’arrive de Santiago, le bel homme.
Puis la conversation dériva, et ce fut Mara la cible des regards. Elle soutenu pourtant le regard un brin accusateur de Jona. « Non tu n’auras toujours pas de nom, Jona. Je te l’ai dit, j’emmènerai son nom dans la tombe. » Ce qui fit réagir toute l’assemblée, qui se dévisagèrent entre eux pour savoir de qui la belle brune parlait. Qui donc avait bien pu être l’amant, autre que le capitaine frigide, de la latina. Mara évita de laisser son regard se poser sur le dit intéresser, et vint plaquer un baiser sur la joue de Jona.  « Je t’attends en bas. » Elle se redressa, et a toute l’assemblée très dissipée. « Bye les morveux, et penser à mes tupp’, je n’en ai pas encore revu un seul depuis deux mois. Sinon plus de bouffe !» Elle embrassa la tablée d’un baiser volant et fit volteface, pour rejoindre son premier enfant, sa Becky chérie.

Petite âme solaire se dérida face à la chaleur de cet amour qui émanait de la caserne. Mara était heureuse, si facilement au près d’eux. Nouveau, comme ancien. Vieux, comme jeune. Ours alléché, comme mignon chaton. Elle les aimait, comme une mère qui veille sur les siens, aux côtés de Jona. Rire euphorique à un souvenir dont elle n’avait pas été témoin, elle ne tarda pas à ajouter sa petite pique. « S’il faut ça, je vais peut-être tenter les sélections pour avoir le loisir de te donner un coup. » Bien sûr elle charriait, Mara savait qu’elle n’arriverait même pas à poser sa candidature, avant que Jona n’ait vent de celle-ci. Elle s’était déjà demandé ce que ça ferait de faire son job, et à chaque fois, Jona s’était brusqué, emporter pour la protéger. Alors elle blaguait et tous ici le savait. Elle se dissocia du groupe, se faufila dans les ombres de la caserne jusqu’à sa moto. Assise, elle se laissa à soupirer, juste un instant. Un soupire d’aise qui dissonait avec les autres qu’elle poussait ces derniers mois. Elle se laissa au plaisir de profiter de l’instant. Pas de mariage. Pas de projet de bébé. Pas de garde d’enfant. Juste elle et ce qui la rendait vraiment heureuse. Elle ne put sourire à voir son ex avec ce vieux casque qu’elle lui avait offert, à leur deuxième rendez-vous. Il avait tant rechigné à l’enfiler, mais Mara sait qu’il n’avait jamais regretté de le mettre. « Tu sais qu’il faut le changer quand il commence à vieillir, le casque. » Elle riait à sa remarque, le laissa monter derrière elle et avant qu’il n’enfile son casque elle le força pour l’embrasser sur sa joue râpeuse. « Tu adores quand je mets mon nez partout, arrêtes de râler. » Elle démarra Becky d’un coup de démarreur. Son petit bolide ronronnait à nouveau comme il fallait depuis sa visite chez Hayden, et quel plaisir pour ses oreilles. « Je sais trop bien. Accroche-toi. » Elle démarra en trombe, juste pour le plaisir de sentir sa prise se ressert autour d’elle. Était-ce mal de désirer le sentir près d’elle ? Elle repoussa cette pensée et se reconcentra sur la route qui ne dura que quelques minutes grâce à la fluidité du trafic. Elle se gara pas trop près du bar, par habitude, pour protéger sa Becky chérie. Désagréable expériences de retrouver du verre de bouteille tout autour de sa moto.
Mara descendit après Jona et ne tarda pas à se débarrasser de son pantalon, son blouson et son casque. Elle replaça le tissu de sa robe en place, avant de vérifier son rouge à lèvres dans un des rétros de Becky. Ce ne fut quand elle termina tout ceci, qu’elle se retourna vers Jona. « On y va ? »

Elle aurait voulu que le trajet dure encore une heure, ou une journée de plus. Egoïstement elle voulait arrêter le temps qui filait, qui lui glissait entre ses doigts. Elle avait beau repousser inlassablement ce genre de pensées, elles revenaient telles les vagues sur la plage. Dualité passagère, éphémère. Alors qu’elle fixait son regard dans la pénombre, elle se souvint elle aussi de ce premier soir. Les mêmes yeux, quelques rides en plus de chaque côté, mais la même flamme d’âme dans leur être. « T’es presque aussi bien que ce jour-là, Alcaraz. » Ajouta-t-elle en s’avançant vers lui d’un déhanché sensuel. Elle réajusta le col de sa chemise et souriant à l’égal de son âme lumineuse. Une complexité morbide entre deux êtres qui se sont tant aimés et chéris pour ensuite s’entre déchirer. Elle glissa son bras dans celui du gentleman qui l’avait fait chavirer dès leur rencontre. « Alors je te suis ! » Emballée de cette inutile économie, vu combien elle comptait s’amuser ce soir, c’est-à-dire sans compter. Le lieu lui apparu bizarrement agencé, avec moins de charme que le petit bouiboui de ses souvenirs. Cet l’endroit était classe et moderne, mais il manquait cruellement d’âme. L’âge moyen de la salle devait environnait à peine la vingtaine, mais au son des basses, Mara fit abstraction de tout, seul Jona, le futur alcool coulant dans sa gorge et la musique comptaient. Musique aux embruns latin, de son pays. Elle reconnu le morceau, et laissa la musique l’envelopper, s’emparait de ses hanches, ce qui sembla les aider à atteindre le bar pris d’asso. Un de ses amis le tenait et la reconnue. Deux shooter qui se posaient devant eux sans un mot, un clin d’œil de Mara pour remercier le barman et son regard se focalisa sur Jona. « A nous ! » Cul sec ! La puissance de la liqueur réchauffa son âme, l’encrant un peu plus dans la culture de son pays. Elle saisit la main de Jona, le regard conquérant. « Je ne suis pas venue là pour rester sur place ! » Elle le traina à sa suite, vers la piste de danse qui semblait endormie avant leur arrivée. Comme un mot passant dans la foule, on s’écartait sur le passage de Mara qui se laissait emporter par la musique. Un demi-tour vif, comme dans toutes les danses latines, elle défiait Jona de l’accompagner et de montrer peut-être à ses petits jeunes trop timides ce qu’est de danser dans un bar portoricain.